ACT : Les CRS à la rescousse du patron30/01/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/01/une1800.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

ACT : Les CRS à la rescousse du patron

Depuis mardi 14 janvier, les travailleurs d'ACT-Angers, menacés de licenciement, occupaient un magasin que Bull louait à ACT et où est entreposé l'essentiel des pièces détachées et des ordinateurs finis appartenant à Bull. Cette " occupation " s'était faite à la suite d'une assemblée générale et ce ne sont pas les quelques vigiles et leurs chiens qui avaient pu nous arrêter.

La direction de Bull nous avait donc assignés devant le tribunal des référés pour demander notre expulsion par la force publique. Le jugement a été rendu le vendredi 24 janvier, et il n'était pas encore rendu que l'usine était assiégée par 300 CRS. L'assaut a tout de suite commencé et les " forces de l'ordre " n'y sont pas allées de main morte, cassant les vitres et les portes pour entrer, tapant sur tout ce qu'ils avaient à portée de matraque, machines, ordinateurs, et sur ceux d'entre nous qui résistaient.

Devant le nombre d'assaillants, nous nous sommes regroupés dans la cour de l'usine où nous avons organisé un sit-in. C'est là que les CRS qui nous entouraient se sont livrés à des violences contre tous ceux qui refusaient de partir : quelques-uns ont été blessés, la plupart d'entre nous ont eu droit aux coups de matraque et nous avons tous été bousculés sans ménagement. Nous sommes donc sortis tous ensemble pour rejoindre derrière les barrages de police ceux qui avaient été bloqués à l'extérieur. C'est en criant " Tout est à nous, rien n'est à eux ! " que les deux groupes se sont réunis.

Cette démonstration de force ne nous avait donc pas démoralisés. La police refusant de nous laisser reprendre nos véhicules, nous avons immédiatement bloqué l'autoroute qui passe à cent mètres de l'usine. Puis, après les avoir récupérés, nous nous sommes réunis dans l'heure qui a suivi à la Bourse du travail pour une assemblée générale, où il fut décidé de manifester en ville dès l'après-midi et d'appeler à une nouvelle manifestation lundi 27.

Si la direction de Bull croyait en avoir fini avec nous, il va bien falloir qu'elle se rende compte qu'elle se trompe. Sa responsabilité n'est pas que " morale ", comme elle se plaisait à le répéter à la presse locale ; sa responsabilité est entière. C'est cette direction qui, pour récupérer du " cash ", comme ils disent, a vendu une partie de l'usine d'Angers à ACT pour 56 millions de dollars. Une vente qui lui a donc rapporté gros, mais qui s'est avérée une véritable catastrophe pour nos emplois.

Depuis plusieurs années, la stratégie avouée et revendiquée du groupe est de se désengager de la production de matériels pour se consacrer uniquement aux services. Cela lui a rapporté de l'argent, avec la vente de plusieurs secteurs de production, et l'État a financé dans le même temps un certain nombre de plans sociaux pour diminuer les effectifs. La vente d'une partie de l'usine d'Angers à ACT est la conséquence directe de cette stratégie : faire rentrer de l'argent et ne pas avoir à assumer les conséquences sociales et financières d'un plan social. En effet, notre sort était scellé par Bull dès qu'ils nous ont vendus : un an après cette vente, les trois principaux clients d'ACT, qui ont des liens directs avec Bull, disparaissaient ou diminuaient considérablement leurs commandes. Il y a d'abord Bull lui-même, dont les commandes ont été divisées par deux entre 2001 et 2002, après avoir déjà diminué l'année précédente. Puis Packard Bell, qui est l'un des principaux actionnaires de Bull, et qui a cessé toute commande dès 2000. Enfin et surtout il y a EMC2, qui est le principal client et qui a des liens commerciaux privilégiés, voire des sociétés communes avec Bull : Bull fournissait des cartes à EMC2, qui lui vendait des disques durs de haute technologie. Les commandes d'EMC2 ont été divisées par trois entre 2001 et 2002. Et que l'on ne vienne pas nous dire que, si les commandes d'EMC2 ont baissé, c'est à cause des difficultés particulières de cette entreprise : la presse s'est fait l'écho du fait que le chiffre d'affaires de cette société avait augmenté pendant cette période.

Bull s'est donc comporté comme les voyous patronaux que même le gouvernement actuel feint de stigmatiser (uniquement d'ailleurs quand il s'agit de groupes étrangers comme Daewoo ou Metaleurop). Quand il s'agit d'un groupe français dont l'État est actionnaire, même s'il se comporte de la même façon que Daewoo ou les affréteurs de pétroliers, il bénéficie de la protection des pouvoirs publics, il bénéficie de l'intervention de centaines de CRS pour garantir ses intérêts contre ceux de centaines de travailleurs. Les voyous patronaux bien français n'ont pas besoin d'hommes de main, ils ont pour cela des centaines de CRS fournis par les gouvernants.

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