- Accueil
- Lutte ouvrière n°1800
- Au nom des retraites de demain on veut nous faire reculer aujourd'hui
Leur société
Au nom des retraites de demain on veut nous faire reculer aujourd'hui
Sur la question du financement des retraites, la presse n'est pas loin du bourrage de crâne. Pas un jour sans qu'on nous explique que les caisses de retraite vont être en déficit et qu'on nous ressasse les mêmes calculs truqués, pour essayer de nous faire accepter de travailler plus longtemps, de cotiser davantage et de toucher des pensions diminuées.
Pourtant à ce jour les caisses de retraite ne sont nullement en déficit. Depuis plusieurs années, la caisse qui paye la retraite de base (la CNAV) présente un excédent (560 millions d'euros en 1999, 150 millions en 2000, le double en 2001...). Quant aux caisses qui payent la retraite complémentaire, suite à un accord particulièrement défavorable pour les retraités, elles disposaient d'un reliquat de 1,8 milliard d'euros en 2000, près du double en 2001. Et certains analystes ont même calculé qu'en cas de retour au plein emploi, les excédents pourraient atteindre 7 milliards en 2010.
Ceux qui évoquent des déficits catastrophiques nous parlent de 2010, de 2020, voire de 2040. Il ne s'agit pas de prévoyance car l'argent des cotisations actuelles sert uniquement à payer les pensions des retraités d'aujourd'hui. Les sommes supplémentaires qui seraient prélevées sur le dos des travailleurs, par le biais d'augmentations de cotisations, d'augmentation de la durée de celles-ci ou de baisse des pensions, ne seraient donc pas mises de côté. C'est le principe même de la retraite par répartition. Ces masses d'argent supplémentaire n'iraient pas alimenter les caisses de retraite, elles serviraient uniquement à baisser la part payée par le patronat pour les retraites. Et c'est pour cela que celui-ci veut faire reculer le niveau de vie des salariés et des retraités d'aujourd'hui.
Vraisemblablement, les plus de 60 ans, qui étaient un peu plus de 12 millions en 2000, seront 5 millions de plus en 2025. Il n'y aurait aucun problème si dans le même temps notre société était capable de donner un vrai travail aux 5 millions de personnes que les statistiques comptent actuellement dans les " actifs ", mais qui sont chômeurs ou sous-employés. Le rapport entre ceux qui ont du travail et ceux qui sont à la charge de la société serait alors rigoureusement le même et il n'y aurait aucun problème de financement des retraites, même en 2025.
En réalité, les " trous " dans les finances de la Sécurité sociale, dont les retraites, sont dus pour l'essentiel aux allégements de cotisations octroyés au patronat et par les sommes considérables que l'État " oublie " de verser. L'ensemble représente des centaines de milliards de francs.
On veut impressionner l'opinion en évoquant des éventuels déficits impressionnants : plus de 40 milliards d'euros en 2020, et jusqu'à 120 milliards pour 2040. Mais que donnerait ce genre de calcul appliqué au budget de l'État, qui est, lui, déjà en déficit aujourd'hui de 45 milliards d'euros ? L'État est actuellement endetté à hauteur de plus de 1000 milliards d'euros. A combien se montera sa dette en 2040 ?
Dans l'avenir, il faudra bien sûr augmenter la part de richesses consacrée aux retraités. C'est ce qui a pu être fait sans problème pendant des dizaines d'années. Qu'il y ait des générations qui puissent vivre plus vieilles qu'auparavant est une chance et un bienfait pour la société. Le seul vrai problème c'est qu'il faut inverser la tendance subie depuis le début des années 1980, qui a fait que la part des richesses revenant au monde du travail a régulièrement diminué, pendant que dans le même temps celle des exploiteurs et des possédants n'a fait que s'accroître. Considérablement, les salaires, dont les retraites ne sont qu'une partie, ont fléchi, les profits se sont envolés. Il suffit donc de faire payer au patronat et à l'État ce qu'ils doivent et de prendre sur les profits ce qui a été volé au monde du travail.