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Côte-d'Ivoire : Un accord voué à l'échec
Il n'aura pas fallu longtemps pour que " la victoire diplomatique " de la France et le prétendu " accord historique " signé entre délégués ivoiriens à Marcoussis volent en éclats face à la réalité du terrain. L'application de l'accord se heurte aux intérêts divergents des forces armées rebelles et gouvernementales qui s'affrontent pour le contrôle du pouvoir, depuis le début de la guerre civile, en septembre dernier.
Ces derniers jours, les 26, 27 et 28 janvier, à Abidjan, de violentes manifestations orchestrées par le pouvoir ont vu des dizaines de milliers de " jeunes patriotes " pro-Gbagbo s'attaquer aux intérêts français de la capitale, multipliant les barrages et les scènes de pillage. Ces " jeunes patriotes ", armés de machettes et de gourdins, membres d'organisations de jeunesses proches du pouvoir, véritables milices xénophobes, n'hésitent pas à recruter leurs membres dans la pègre. Depuis des mois, ils font régner la terreur contre la population et organisent la chasse aux travailleurs immigrés. Ils accusent aujourd'hui la France de les avoir trahis (et certains appellent à la rescousse l'impérialisme américain), d'avoir organisé à Marcoussis un " coup d'État " contre Laurent Gbagbo, le dépossédant de tous ses pouvoirs. Ils accusent Jacques Chirac et Dominique de Villepin, le ministre des Affaires étrangères, d'avoir concédé au MPCI, le Mouvement patriotique de la Côte-d'Ivoire, le principal mouvement rebelle qui contrôle le nord du pays, les postes clefs des ministères de la Défense et de l'Intérieur dans le futur " gouvernement d'union nationale ".
Des accords morts-nés
Après avoir avalisé les accords de Marcoussis, Laurent Gbagbo, une fois de retour à Abidjan, a fait de nouveau volte-face, prétextant les pressions des ultras de son régime. Le dictateur ivoirien a affirmé que les " accords " n'étaient que de simples " propositions ". La modification de la Constitution pour permettre au principal opposant, Alassane Ouattara, de se présenter aux prochaines élections, ne pouvait se faire sans organiser un référendum populaire !
Que les différentes forces armées, rebelles et gouvernementales, campent sur leurs positions et refusent l'application des accords était parfaitement prévisible. Gbagbo s'accroche au pouvoir à tout prix. Il cherche à gagner du temps, s'appuyant sur la mobilisation de ses milices, sur la hiérarchie militaire des forces armées gouvernementales ivoiriennes (FANCI) et celle de la gendarmerie, qui rejettent toute idée de passer sous la coupe de ministres rebelles. Occupant plus de la moitié du territoire ivoirien, les rebelles n'ont aucune raison de faire des concessions et s'accrochent à leur fief où ils règnent en maîtres.
La " solution " de compromis proposée par l'impérialisme français à Marcoussis, compte tenu du rapport de force en Côte-d'Ivoire, n'avait évidemment aucune chance d'aboutir et n'était pas viable. L'idée n'était d'ailleurs pas nouvelle puisque Laurent Gbagbo avait déjà organisé, avec l'aval de la France, un " Forum de réconciliation nationale ", en 2001, et mis sur pied un gouvernement où tous les partis étaient représentés. Mais l'expérience ayant tourné court, cela avait débouché sur la guerre civile et l'éclatement de la Côte-d'Ivoire.
L'impérialisme français renoue avec son passé colonial
L'impérialisme français cherche à favoriser un retour au calme en Côte-d'Ivoire, plus propice à la bonne marche des affaires. Cependant, il ne peut stopper le processus de guerre civile actuel. Même au prix d'un accroissement considérable de sa présence militaire. Car cela reviendrait à s'enliser dans un véritable bourbier.
La situation actuelle est le résultat d'un long processus de décomposition du pouvoir politique et militaire en féodalités et bandes armées rivales. Après la mort du dictateur Houphouët-Boigny, les gouvernements successifs ont, au nom de " l'ivoirité ", distillé le poison du nationalisme et de la xénophobie dans les masses populaires, pour asseoir leur pouvoir, creusant un fossé de haine et de sang entre les peuples et les ethnies de la Côte-d'Ivoire. Aujourd'hui, ce sont ces mêmes masses populaires qui payent le prix fort de la terreur que les bandes armées de part et d'autre font régner dans le pays.