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Dans le monde
Irak : Après le rapport des inspecteurs de l'ONU
Le " discours sur l'État de l'Union " prononcé par Bush le 28 janvier n'a pas indiqué de changement marquant dans la politique américaine vis-à-vis de l'Irak. Tout au plus a-t-il fixé au 5 février la date à laquelle il fera des " révélations " annoncées de longue date sur les liens entre Saddam Hussein et le terrorisme.
En revanche Bush aura consacré beaucoup de temps à paraphraser le rapport fait la veille par les inspecteurs de l'ONU. Depuis des semaines le 27 janvier était présenté comme une date " décisive " par les médias et les gouvernements occidentaux à cause de ce rapport. Il n'en a rien été. Au lieu de cela, une nouvelle échéance a été fixée pour le 14 février.
Washington s'en tient à la même rhétorique belliqueuse, tandis que chaque gouvernement européen, Paris en tête, cherche à faire valoir sa différence face à Bush tant qu'il en est encore temps, tout en s'alignant sur le fond sur sa politique.
Il est vrai que le rapport des inspecteurs de l'ONU ne peut guère fournir d'arguments nouveaux aux partisans de la guerre. Car on n'y trouve rien de plus que les mêmes accusations et spéculations, à peine reformulées, sur les " armes de destruction massive " que l'Irak serait censé " cacher ", que colporte depuis des mois la propagande occidentale. Mais pas le moindre début de preuve.
En revanche, on y trouve de longs développements sur le manque de " bonne volonté " du régime irakien, son manque de " franchise " et de participation " active " aux inspections. Sans parler des manifestations d'hostilité de la population irakienne (bien légitimes quand même !) envers l'Occident et ses représentants, que les inspecteurs n'ont de toute évidence pas appréciées. En bref, bien que ces mots ne figurent pas dans leur rapport, c'est son manque de soumission et d'humilité face à l'ONU et à ses diktats que les inspecteurs reprochent à Bagdad.
Sans doute est-ce cette défiance, même si elle est surtout symbolique, bien plus que de prétendues " armes de destruction massive " que l'économie exsangue de l'Irak ne peut guère produire, que les leaders occidentaux veulent faire ravaler à l'Irak. Dominique de Villepin, ce prétendu champion du " camp anti-Bush " à l'ONU, n'a-t-il pas lui-même, tout comme Bush et Blair, enjoint à Saddam Hussein de se prêter " plus activement " aux inspections de l'ONU ? Comme si, après avoir infligé une guerre sanglante et douze années de bombardements intermittents doublés d'un blocus catastrophique à la population irakienne, l'ONU pouvait se targuer de la moindre légitimité en prétendant avoir un droit de regard sur les armements du régime irakien ! Mais justement, la défiance symbolique de l'Irak envers l'ONU est quand même un prétexte un peu mince pour justifier une guerre.
Quoi qu'il en soit, au fond, le statu quo actuel dans la rhétorique guerrière contre l'Irak arrange bien les dirigeants occidentaux.
C'est vrai des dirigeants des impérialismes mineurs, comme la France, qui, n'étant pas en position de peser sur les événements, préfèrent certainement voir reculer l'échéance où il leur faudra aller ouvertement contre leur propre opinion publique, qui dans la plupart des pays est majoritairement contre la guerre, pour suivre une éventuelle aventure militaire américaine.
Mais c'est sans doute vrai également de Bush lui-même. Et pas seulement parce que le dispositif militaire américain au Moyen-Orient ne serait pas encore prêt. Car, après tout, l'impérialisme américain aurait les moyens, s'il en faisait le choix, de rassembler dans la région des moyens militaires considérables en un temps très court.
En revanche, Bush a beau répéter, par la voix de son secrétaire d'État Colin Powell, que " l'Irak est en train d'épuiser le temps qui lui reste ", il doit, lui aussi, tenir compte de son opinion publique. Or la cote de popularité de Bush a atteint son plus bas niveau depuis le 11 septembre 2001. Qui plus est, au cours des dernières semaines, les sondages ont indiqué pour la première fois une majorité hostile à sa politique guerrière contre l'Irak, en même temps qu'un mécontentement croissant de l'opinion face à la dégradation de la situation économique. Et on peut penser que ce mécontentement, qui ne peut que s'accroître dans la mesure où la situation économique continue à se dégrader, alimente l'hostilité de l'opinion envers le bellicisme de Bush.
Mais en fait, face à cette dégradation du soutien dont il bénéficie dans les sondages, que fera Bush ? Reculera-t-il les échéances ? Ou bien sera-t-il au contraire d'autant plus tenté de brusquer les choses face à l'Irak, tout en se donnant au plus quelques semaines pour tenter de démontrer, avec la complicité de l'ONU et des Européens, qu'il aura vraiment essayé " toutes les solutions " avant la guerre ?
Le danger continue donc à peser chaque jour plus lourdement sur la population irakienne, danger représenté par l'accumulation croissante de troupes et d'armements aux frontières de l'Irak, une véritable armada qui se prépare à bombarder massivement un pays sous prétexte qu'il aurait... des " armes de destruction massive ".