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Dans le monde
Lula à Davos : Il ne s'est pas trompé de camp
Tour à tour, Lula s'est adressé aux manifestants rassemblés à Porto Alegre au Brésil, puis à Davos en Suisse, pour plaider devant un parterre de ministres et de grands patrons qui l'ont eux aussi ovationné. On a feint d'y voir une contradiction, que le président brésilien a réfutée, expliquant qu'il s'est rendu à Davos pour se faire l'avocat du Brésil et plus généralement des pays pauvres et des pauvres de ces pays. Il veut, a-t-il dit en substance, servir de passerelle entre les deux mondes, celui des déshérités et celui des riches. A l'image de ce qu'il a mis en place au Brésil, d'abord en choisissant comme vice-président un patron du textile, puis une fois élu, en désignant des ministres issus pour partie de l'extrême gauche, voire qui y sont encore rattachés, comme Rosseto, membre de la direction de la IVème internationale, à côté d'autres liés au monde des affaires tel Meirelles, désigné comme le directeur de la banque centrale du Brésil et ex-directeur mondial de la banque de Boston.
L'accueil enthousiaste fait par les représentants des riches et des exploiteurs à Lula n'est pas hypocrite, même si les discours du président du Brésil le sont. Car on peut reprocher aux patrons et à leurs valets politiques bien des choses, mais pas d'être naïfs. Pas plus qu'on ne peut reprocher à Lula et à ses proches de l'être vraiment, même quand ils font semblant de croire ce qu'ils disent. Les patrons et leurs représentants ont un sens de classe aigu qui ne leur fait jamais défaut, et surtout ils disposent de puissants moyens d'imposer leurs choix et leurs lois ; soit en utilisant la bonne parole, soit quand elle ne suffit pas en usant de moyens plus rudes, à commencer par cette loi du marché qui régit les échanges et qui est responsable des inégalités.
Soyez plus coopérants, a demandé Lula aux participants de Davos, et devenez plus équitables dans les échanges économiques, surtout avec le Brésil, a-t-il insisté. Telle est en résumé la supplique que Lula a adressée aux " grands de ce monde ". De telles tirades n'innovent guère dans la bouche des gouvernants. On en a connu de gauche et de droite, et vice-versa, qui demandaient à ce système impitoyable aux pauvres de faire preuve de plus de pitié et de justice Si on citait la " lutte contre la fracture sociale " de Chirac, on ferait sourire même des laudateurs de Lula .
Charitables, certains capitalistes pensent l'être. Calcul ou hypocrisie, ils ont même parfois leurs bonnes oeuvres, investissent dans la création de musées ou dans des fondations hospitalières qui, la publicité ne perdant jamais ses droits, portent le plus souvent leur nom. Quant aux gouvernements, ils savent organiser de leur côté les mises en scène adéquates. Tel Chirac qui a dépêché au dernier moment trois de ses ministres à Porto Alegre pour équilibrer la délégation gouvernementale présente à Davos.
Mais tout cela ne change rien à l'injustice sociale, pas plus que les prêches sur la nécessaire compréhension mutuelle entre riches et pauvres, entre exploiteurs et exploités. Si cela changeait quelque chose, cela se saurait depuis longtemps. Ceux qui tiennent ces discours ne peuvent y croire eux-mêmes. Mais ils cautionnent cette démarche en nous disant : " On ne sait jamais, tout est possible ".
Or justement on sait, et eux-mêmes savent, car on a pu voir plutôt cent fois qu'une où cela menait.
Ceux qui cultivent ces illusions ne servent pas les exploités , ils les anesthésient.