Gaza, Cisjordanie, Liban : la guerre sans fin des dirigeants israéliens27/10/20242024Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2024/10/une_243-c.jpg.484x700_q85_box-12%2C0%2C1370%2C1965_crop_detail.jpg

Gaza, Cisjordanie, Liban : la guerre sans fin des dirigeants israéliens

Le 23 septembre, l’armée israélienne a lancé une campagne de bombardements contre le Liban, suivie, une semaine après, de l’invasion terrestre du sud du pays. Le Premier ministre israélien, Netanyahou, a ainsi ouvert un nouveau front alors que la guerre à Gaza se poursuit sans aucun répit depuis un an.

Le territoire de Gaza, petite enclave d’une superficie de 360 km2 et peuplée de près de 2,5 millions d’habitants, a été bombardé d’une façon incessante. D’après les statistiques de l’ONU, plus de 60 % des immeubles auraient été détruits partiellement ou totalement. Mais les reportages, réalisés malgré le refus des autorités israéliennes de laisser les journalistes entrer à Gaza, donnent plutôt l’impression que tout a été dévasté et qu’il ne subsiste plus que des ruines.

Le bilan de plus de 42 000 morts, établi par le ministère gazaoui de la Santé, est forcément très inférieur à la réalité. Des dizaines de milliers de personnes toujours sous les ruines ne sont pas recensées. S’ajoutent aussi tous les Palestiniens morts faute de traitement dans les hôpitaux qui ne sont plus en état de délivrer des soins. Contraints de vivre sans eau et sans électricité, sous des bâches de plastique ou des camps de toile, les Palestiniens sont menacés de mourir de faim et de maladie.

Gaza : une guerre sans fin

Netanyahou avait proclamé il y a un an, que les objectifs, les buts de guerre, étaient la libération des otages et « l’éradication du Hamas ». Aucun de ces buts de guerre n’a été atteint.

La mort, le 17 octobre, du dirigeant du Hamas Yahya Sinouar ne signifie pas la fin de cette organisation. Netanyahou a beau plastronner en clamant que la quasi-totalité des bataillons du Hamas ont été détruits, la poursuite des opérations militaires montre qu’il n’en est rien. Ainsi, depuis début octobre, l’armée israélienne encercle le camp palestinien de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, déclarant que le Hamas y a reconstitué ses capacités militaires, et a ordonné à tous les Gazaouis présents d’évacuer « immédiatement » vers le sud.

Publiée début août, une enquête réalisée par des journalistes de CNN et des analystes militaires américains estimait que sur les 24 bataillons du Hamas, seuls trois avaient été complètement détruits, les autres restant capables de mener des actions de guérilla. Loin d’avoir été détruit, le Hamas semble même être parvenu, d’après de nombreux témoignages, à maintenir dans le nord de Gaza un semblant d’appareil d’État, capable de contrôler la distribution d’une bonne partie de l’aide humanitaire, malgré des mois de combats et de bombardements.

Pour ce qui est des 218 otages emmenés à Gaza le 7 octobre, la quasi-totalité de ceux qui ont été libérés l’ont été à l’occasion de la trêve négociée avec le Hamas en novembre 2023 afin de procéder à l’échange de 117 otages contre 240 prisonniers palestiniens. L’extrême droite israélienne avait alors dénoncé cet accord comme une trahison et avait menacé de retirer son soutien au gouvernement, ce qui eût entraîné sa chute. Depuis, pour se maintenir au pouvoir, Netanyahou a repris à son compte le discours de l’extrême droite et a refusé de conclure une nouvelle trêve, ajoutant une nouvelle condition chaque fois que les négociations, menées sous la pression américaine, semblaient près d’aboutir.

Cette attitude a entraîné le développement d’un mouvement de contestation, à l’initiative des familles d’otages qui dénoncent la façon dont, selon elles, « Netanyahou a abandonné les otages » en menant une politique de guerre à outrance et en refusant de discuter avec le Hamas.

Des dissensions se sont aussi fait jour au sommet de l’État, au sein même du gouvernement et avec l’état-major. Le porte-parole de l’armée a déclaré en substance que détruire le Hamas était impossible, et que cela ne pouvait donc pas être un but de guerre. Si les deux ministres d’extrême droite du gouvernement sont partisans de l’annexion de Gaza, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, s’est déclaré, lui, totalement opposé à une telle perspective, à l’instar de la plupart des dirigeants de l’armée. Ceux-ci se souviennent parfaitement du coût humain et matériel entraîné par l’occupation de Gaza jusqu’en 2005, et ils n’ont pas envie de se retrouver à nouveau dans cette situation.

Mais si les dirigeants israéliens s’opposent sur la façon de finir la guerre à Gaza, ils étaient tous d’accord pour la lancer, et sur la façon de la mener en se livrant à un massacre pour terroriser les Palestiniens. Le ministre de la Défense qui apparaît aujourd’hui comme un opposant à Netanyahou avait déclaré, le 8 octobre 2023, qu’il fallait imposer un blocus total de Gaza et que les habitants de Gaza étaient « des animaux qu’il fallait traiter comme tels ».

En réalité, « l’éradication » du Hamas n’est pas le véritable objectif des dirigeants israéliens. Il leur serait tout à fait possible de composer avec lui afin de lui confier de nouveau la gestion du territoire. Il redeviendrait alors de fait le gendarme de Gaza, prêt à réprimer sa population en cas de besoin, en collaboration avec l’État israélien. C’est bien ce que l’organisation islamiste a fait pendant 16 ans, après qu’en 2007 elle eut pris le pouvoir à Gaza. Rappelons qu’avant d’accepter la mise en place de l’Autorité palestinienne, à la suite de la signature des accords d’Oslo en 1993, les dirigeants israéliens s’étaient refusés pendant des dizaines d’années à négocier avec l’OLP, alors dénoncée comme une organisation terroriste.

De son côté, le Hamas serait tout à fait disposé à un tel accord. En lançant les attaques du 7 octobre, il a cherché à s’imposer comme un interlocuteur incontournable vis-à-vis des dirigeants d’Israël, et, au-delà, des grandes puissances impérialistes, sans se préoccuper le moins du monde du prix que la population palestinienne aurait à payer. Il était en effet prévisible que les massacres commis le 7 octobre allaient entraîner en retour un déchaînement de violence à l’encontre des habitants de Gaza.

La guerre au Liban

Une telle solution n’est pas du tout d’actualité, car, pour refaire l’unité derrière lui, Netanyahou est engagé au contraire dans une politique de surenchère guerrière.

Pour faire oublier que les buts de guerre à Gaza n’avaient pas été atteints, il en a ajouté un nouveau : le retour des 60 000 Israéliens vivant dans une bande de quatre kilomètres le long de la frontière libanaise, qui ont été déplacés au début de la guerre à Gaza du fait des tirs de roquette du Hezbollah. Cette organisation cherchait ainsi à conforter son image de parti combattant face à Israël. Tout comme le Hamas, le fait que sa politique rejetait la majorité de la population israélienne du côté de Netanyahou n’entrait pas en ligne de compte.

L’armée israélienne mène la guerre au Liban avec les mêmes méthodes et avec le même cynisme qu’à Gaza. Netanyahou a ainsi menacé les Libanais de leur faire subir le sort des Gazaouis s’ils ne se débarrassaient pas du Hezbollah. Pour tuer son dirigeant Hassan Nasrallah et pour atteindre son bunker situé 6 mètres sous terre, l’armée israélienne a employé des bombes qui ont soufflé plusieurs bâtiments aux alentours, faisant des centaines de morts. Le centre de Beyrouth, la plaine de la Bekaa, à l’est du pays, et des villages chrétiens du nord ont aussi été bombardés. Tous les Libanais sont devenus des cibles potentielles. Sur les 5,5 millions d’habitants que compte le pays, plus d’un million se sont retrouvés sur les routes à fuir la guerre, cherchant refuge vers le nord du pays ou même en Syrie.

En riposte à l’invasion du Liban et à l’assassinat de Nasrallah, le gouvernement iranien a tiré près de 200 missiles contre Israël, près du double du nombre de ceux tirés en avril. Les dirigeants israéliens ont déclaré qu’ils riposteraient à leur tour. On est donc bien engagé dans une escalade dont il n’est pas possible de dire jusqu’où elle ira. La généralisation de la guerre à l’ensemble du Moyen-Orient n’est pas seulement une menace, elle a déjà commencé dans la mesure où l’armée israélienne a non seulement bombardé Gaza et le Liban, mais aussi à plusieurs reprises la Syrie, le Yémen et l’Irak.

Netanyahou dans la continuité de ses prédécesseurs depuis 1948

Netanyahou s’est engagé dans cette escalade pour sauvegarder son pouvoir et sous la pression de l’extrême droite. Mais, loin de constituer une rupture, sa politique est dans la continuité de celle de tous ses prédécesseurs depuis 1948. La politique des fondateurs d’Israël, en conformité avec l’idéologie sioniste, a visé à créer un État exclusivement juif, en usant de la violence à l’encontre des populations palestiniennes afin de les terroriser et de les faire fuir, et en s’imposant par la guerre aux États arabes voisins. Dès 1948, plus de 700 000 Palestiniens ont ainsi été spoliés de leurs biens et de leurs terres, contraints de s’exiler dans les pays voisins, dans des camps de réfugiés où leurs descendants vivent encore aujourd’hui. Une telle politique a conduit à enfermer la population israélienne dans une forteresse assiégée, en la condamnant à vivre l’arme au pied, et régulièrement le fusil à la main.

La nécessité de défendre la sécurité d’Israël a toujours été utilisée par ses gouvernements pour justifier leurs aventures guerrières, leurs interventions militaires et le fait de se retrouver dans le camp des États-Unis contre les peuples voisins du Moyen-Orient. Ils ont pu d’autant plus utiliser cet argument que la politique des dirigeants des États arabes et des organisations palestiniennes, aussi bien l’OLP, laïque et socialisante, que le Hamas, professant un islamisme réactionnaire, a consisté à mener leur lutte sur le terrain militaire, en visant l’ensemble de la population israélienne, qu’ils contribuaient de cette façon à renvoyer dans les bras de ses dirigeants.

Les peuples de la région se sont ainsi trouvés enfermés dans un piège sanglant. La responsabilité en incombe à leurs dirigeants, à commencer par ceux de l’État d’Israël, qui ont toujours nié le droit des Palestiniens à une existence nationale. Mais la responsabilité première en incombe à l’impérialisme qui a délibérément dressé les peuples juifs et arabes les uns contre les autres pour asseoir et maintenir sa domination. Les puissances coloniales britannique et française ont été les premières à le faire, à l’époque où elles se disputaient le contrôle de la région, puis les États-Unis ont pris le relais après la Deuxième Guerre mondiale.

Un état de guerre permanent qui sert les intérêts de l’impérialisme

Depuis plusieurs décennies, les États-Unis apportent un soutien indéfectible à Israël car cela leur permet de disposer ainsi d’un allié sûr, capable de mobiliser sa population, convaincue qu’elle défend sa sécurité, et de lui faire faire la guerre pour jouer le rôle de gendarme de l’ordre impérialiste au Moyen-Orient.

Les dirigeants israéliens n’ont jamais été de simples marionnettes des États-Unis. Plus d’une fois, ils se sont permis de manifester une certaine indépendance vis-à-vis de leur protecteur américain, le mettant devant le fait accompli. Mais l’impérialisme accepte d’avoir un allié remuant, qui ne leur obéit pas en tout point, car il y trouve son compte. Quand Netanyahou mène sa guerre contre l’Iran, il sert les intérêts de l’impérialisme qui cherche lui aussi à affaiblir, voire à renverser le régime de Téhéran.

Jusqu’où les dirigeants de Washington sont-ils prêts à appuyer leur allié israélien dans l’escalade actuelle ? À quelques semaines d’une élection présidentielle au résultat incertain, l’administration américaine n’est pas en état de décider grand-chose. Cette incertitude contribue à donner une marge de manœuvre supplémentaire à Netanyahou.

Mais le prochain locataire de la Maison-Blanche, que ce soit le républicain Trump ou la démocrate Harris, peut tout à fait décider d’engager les États-Unis dans un conflit contre l’Iran. Dans un passé proche, les dirigeants américains ont été capables de faire la guerre en Irak et en Syrie, plongeant le Moyen-Orient dans le chaos.

Pour une fédération socialiste des peuples du Moyen-Orient

En tant que communistes révolutionnaires, nous sommes solidaires des Palestiniens, des Libanais et de tous les peuples victimes de la violence de l’impérialisme et de l’État israélien qui lui sert de bras armé au Moyen-Orient. Dans la guerre qu’il mène, nous souhaitons la défaite militaire de l’État israélien. Mais nous devons aussi affirmer qu’il n’y aura pas de paix possible tant que tous les peuples de la région, y compris les Juifs et les Arabes qui vivent actuellement dans les frontières de la Palestine historique, ne disposeront pas de droits égaux.

Notre solidarité avec le peuple palestinien n’est pas un soutien politique au Hamas ou au Hezbollah, deux organisations nationalistes bourgeoises qui ne visent qu’à pouvoir disposer de leur propre appareil d’État dans le cadre du système impérialiste, et ainsi à pouvoir récolter eux aussi une part de l’exploitation de leur peuple. Même si l’impérialisme finit par accepter la création d’un petit État palestinien, qui resterait sous sa surveillance étroite et celle d’Israël, cela ne mettrait pas fin à l’oppression des peuples et n’apporterait ni la liberté ni la prospérité aux couches exploitées et aux travailleurs, victimes d’une double oppression, à la fois nationale et sociale.

À la politique des organisations nationalistes, les militants révolutionnaires prolétariens doivent opposer la perspective d’une lutte commune des travailleurs de tous les pays de la région pour mettre fin à la domination impérialiste, et pour bâtir une fédération socialiste des peuples du Moyen-Orient.

22 octobre 2024

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