Le Havre (Haute-Normandie) : 1910, la condamnation de Jules Durand : « l’affaire Dreyfus de la classe ouvrière »18/01/20152015Brèves/static/common/img/contenu-min.jpg

Brève

Le Havre (Haute-Normandie)

1910, la condamnation de Jules Durand : « l’affaire Dreyfus de la classe ouvrière »

Au Havre, une association « les amis de Jules Durand » milite pour la réhabilitation de ce militant ouvrier, condamné à mort en 1910 lors d'une grève contre les patrons du port du Havre.

Jules Durand était le secrétaire du syndicat CGT des charbonniers du Havre. Ces travailleurs payés une misère connaissaient des conditions de travail épouvantables pour décharger et charger le charbon dans le port. Ils étaient payés au rendement et n'avaient accès à aucune protection. En 1910, les patrons du port installèrent des machines pour charger les bateaux et en profitèrent pour aggraver encore les conditions de travail.

Le syndicat proposa la grève, qui fut votée par les travailleurs le 18 août 1910. Ce syndicat représentait un véritable danger pour le patronat car il organisait les travailleurs, rompant leur isolement, se battant aussi contre l'alcoolisme qui faisait des ravages dans leurs rangs. Les patrons répondirent à la grève avec la dernière des violences, décidés à faire plier les travailleurs et à détruire leur syndicat.

Les travailleurs en lutte n'eurent pas le droit de faire des collectes sur la voie publique. La misère s'accentua dans les logements ouvriers du Havre. Tout fut fait, malgré la politique de la CGT et de son secrétaire, pour favoriser les affrontements entre grévistes et non-grévistes. Le 9 septembre, lors d'une bagarre, un casseur de grève embauché par le patronat fut tué. Immédiatement celui-ci en profita pour faire accuser Jules Durand d'avoir prémédité le meurtre et même de l'avoir fait voter en assemblée générale.

Une machination complète fut mise en branle : les témoins furent directement payés par les patrons, l'enquête fut plus que sommaire. Jules Durand, connu pour être un militant anti-alcoolique, fut accusé d'avoir agi en état d'ivresse, etc. Le 25 novembre 1910, il fut condamné à mort. Au moment même de cette condamnation, les cheminots étaient en grève et sévèrement réprimés par le gouvernement. Dans ce contexte, la condamnation de Jules Durand était bien celle d'une justice de classe, qui exprimait sa haine des travailleurs.

Le mouvement ouvrier se mobilisa contre cette ignominie. Une grève générale fut déclenchée au Havre à l'annonce de la condamnation. Pendant des mois et des années, la CGT fit campagne pour Jules Durand. Cette affaire devint, grâce à la mobilisation des travailleurs en France comme à l'étranger, « l'affaire Dreyfus de la classe ouvrière ». Des gestes de solidarité et des mouvements eurent lieu jusque dans les ports et les docks d'Angleterre et des États-Unis.

En 1911, Durand fut enfin libéré. Mais la condamnation à mort et la prison l'avaient brisé. Même la reconnaissance de son innocence en 1918 n'atténua pas sa maladie et il mourut aliéné en 1926. Jules Durand fut un militant de la classe ouvrière et la bourgeoisie le lui fit payer.

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