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- Lutte ouvrière n°2677
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Article du journal
Iran
le pouvoir tire sur les manifestants
Jeudi 14 novembre, l’annonce par le gouvernement, d’une brutale augmentation du prix de l’essence à la pompe a déclenché des émeutes dans plusieurs villes iraniennes. Au fil des jours, la contestation s’est étendue, malgré la répression brutale qui a fait 100 morts à la date du 19 novembre, selon Amnesty international.
L’embargo décrété à l’été 2018 par les États-Unis prive l’Iran de sa principale ressource commerciale, le pétrole, dont il possède les quatrièmes réserves mondiales. Pour les Iraniens, les privations dues à cet embargo sont cruelles : le prix de la viande a doublé, celui de multiples produits vitaux a flambé, l’effondrement du rial iranien face au dollar augmente le prix de tous les produits importés. De plus en plus d’Iraniens ne font plus qu’un seul repas par jour. Et ces privations-là pouvaient être imputées aux États-Unis plutôt qu’au régime iranien.
L’augmentation de 50 % du prix des 60 premiers litres d’essence achetés et de 300 % pour les suivants est, elle, une décision des dirigeants iraniens pour renflouer le budget de l’État en faisant les poches de la population. Préparée conjointement par les trois têtes du pouvoir de la République islamique, cette décision a déclenché la révolte. Celle-ci s’est placée d’emblée sur un terrain politique. Des lieux symboliques, comme des commissariats de police ou des parlements régionaux, ont été incendiés à Ispahan et ailleurs. Des portraits de l’ayatollah Khamenei ou des monuments à la gloire de son illustre prédécesseur, Khomeini, ont été saccagés à Téhéran. Des slogans dénonçant les millions dépensés chaque année par le régime iranien pour soutenir financièrement le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien ont été repris.
L’annonce que les bénéfices réalisés sur le prix de l’essence allaient être utilisés pour revaloriser le revenu minimum que touchent 60 millions d’Iraniens pauvres n’a pas arrêté la révolte. Tous les dignitaires du régime sont profondément discrédités à cause de la corruption qui gangrène toute la vie sociale et du fossé entre le rigorisme religieux qu’ils affichent et leur mode de vie réel. Ce sentiment semble aujourd’hui partagé par toutes les catégories sociales du pays. Au début de l’année 2018, les classes populaires, surtout en province, s’étaient déjà révoltées contre la cherté de la vie, la pénurie d’eau et les salaires non payés. Elles n’avaient pas été rejointes par la petite bourgeoisie, les milieux commerçants ou les intellectuels. Cette fois-ci, la capitale Téhéran est touchée et plusieurs universités sont occupées par les étudiants.
Face à la révolte, le régime a fait donner ses forces de répression. Avant la coupure du réseau Internet dans tout le pays, les opposants au régime avaient recensé dix morts. Des militants ouvriers, récemment remis en liberté sous caution, dont Ismael Bakhshi et Setideh Ghaliyan, qui se battent depuis des mois aux côtés des travailleurs de l’usine sucrière de Haft Tapeh, ont été remis en prison. Le régime craint visiblement que la révolte contre la hausse du carburant ne dresse toutes les classes sociales contre lui.