- Accueil
- Lutte ouvrière n°2956
- Israël : Netanyahou et ses guerres contestés
Dans le monde
Israël
Netanyahou et ses guerres contestés
La décision de Netanyahou de limoger Ronen Bar, chef du Shin Beth, le service de renseignement intérieur, a provoqué une importante crise politique en Israël. Le gouvernement israélien doit faire face à l’opposition d’une partie de l’appareil d’État et à des manifestations qui ont regroupé des dizaines de milliers de personnes dans tout le pays.
Pour justifier sa décision, Netanyahou a mis en avant une « rupture de confiance professionnelle » avec le dirigeant du Shin Bet. Il lui reproche surtout d’avoir diligenté une enquête visant des membres de son entourage, accusés d’avoir reçu des centaines de milliers de dollars pour redorer l’image du Qatar, à l’époque où cet État avait été autorisé par le gouvernement israélien à financer le Hamas au pouvoir à Gaza. Ce Qatargate, comme l’appellent les médias israéliens, s’ajoute aux affaires de fraude, corruption et abus de confiance pour lesquelles Netanyahou est actuellement jugé. Celui-ci vient aussi d’être mis en cause dans un récent rapport d’enquête du Shin Bet sur le massacre du 7 octobre, dans lequel ont été pointées les défaillances du gouvernement.
Netanyahou doit faire face à une opposition émanant des institutions judiciaires. La Cour suprême a suspendu l’éviction de Ronen Bar jusqu’au 8 avril, le temps d’examiner les recours déposés par l’opposition et une ONG. La procureure générale, censée contrôler la légalité des décisions gouvernementales, ayant apporté son soutien à la Cour suprême, le cabinet israélien a voté, dimanche 23 mars, une motion de défiance à son égard, ouvrant la voie à sa destitution.
Pour sauver sa carrière politique et éviter de finir en prison, Netanyahou a plus que jamais besoin du soutien de l’extrême droite. Pour obtenir le retour au poste de ministre de la Sécurité nationale du suprémaciste Itamar Ben Gvir, qui avait quitté le gouvernement après l’accord de trêve conclu en janvier avec le Hamas, il a relancé la guerre à Gaza. L’armée israélienne mène des bombardements particulièrement meurtriers qui ont fait près de 800 morts en quelques jours, et une nouvelle offensive terrestre a commencé. Les habitants des zones frontalières de l’enclave palestinienne ont été contraints de les évacuer, ce qui ouvre la voie à une nouvelle annexion de territoires par Israël.
Netanyahou cherche à créer une union nationale derrière lui et fait feu de tout bois sur tous les fronts, encourageant et appuyant la colonisation en Cisjordanie, déclenchant des opérations militaires au Liban et en Syrie. Il se sent d’autant plus autorisé à poursuivre dans cette voie qu’il sait pouvoir compter sur le soutien de Trump, qui a déclaré qu’il approuvait totalement la reprise de la guerre à Gaza.
Une partie de la population israélienne a exprimé son refus de cette fuite en avant guerrière. À l’appel de l’opposition et de familles d’otages – et même de plusieurs anciens otages – inquiètes de la rupture des négociations, des manifestations ont regroupé des dizaines de milliers de personnes, comme lors des mobilisations contre la réforme judiciaire initiée par Netanyahou avant le 7 octobre. Lors de ces rassemblements, beaucoup expriment leur peur de voir s’instaurer un régime de plus en plus autoritaire. À Tel Aviv, samedi 22 mars, sur un grand écran monté sur une scène figurait le slogan : « Stop à la manie de la dictature ». Le politicien de centre droit et opposant à Netanyahou, Yaïr Lapid, a appelé « le pays entier à s’arrêter » si le limogeage du dirigeant du Shin Bet venait à se concrétiser. De son côté, le dirigeant de la confédération syndicale Histadrout a déclaré : « Je n’ai pas l’intention de rester les bras croisés pendant que l’État d’Israël est démantelé. »
Ces critiques viennent de dirigeants qui, pour l’essentiel, ont soutenu la politique guerrière de Netanyahou, mais elles ouvrent une crise politique. Sur quoi débouchera-t-elle ? Si le maintien de Ronen Bar à la tête du Shin Bet, qui est l’objectif mis en avant par les manifestants, est atteint, cela ne mettra pas fin à la situation de guerre dans laquelle sont plongés les peuples israélien et palestinien, et au-delà tous ceux du Moyen-Orient. Dénoncer Netanyahou, le poids croissant et menaçant de l’extrême droite et la montée de l’autoritarisme qui en est la conséquence ne suffit pas, car ce sont les conséquences des politiques niant les droits nationaux des Palestiniens menées par les gouvernements israéliens depuis 1948.
Beaucoup d’Israéliens sont inquiets à juste titre en constatant que l’État israélien est de moins en moins cet « îlot de démocratie » qu’il prétendait être, en faisant oublier au passage l’oppression subie par les Palestiniens. La population israélienne est de plus en plus victime elle-même de cet instrument d’oppression.