Mayotte : après Chido, la guerre aux pauvres01/01/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/01/une_2944-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1264%2C1640_crop_detail.jpg

Article du journal

Mayotte

après Chido, la guerre aux pauvres

Plus de deux semaines après le passage de Chido, le déplacement médiatisé de Bayrou, Borne, Valls et toute leur suite, le 30 décembre à Mayotte, n’a pas pu masquer l’incurie de l’État, incapable de répondre aux besoins élémentaires de la population mais à l’écoute des exigences des nantis.

Les habitants ne voient pas arriver l’aide que le gouvernement se vante d’acheminer sur l’île. Comme le disait l’un d’eux à Macron : « Ce que vous dites à la radio ne correspond pas à la réalité qu’on vit, nous, sur le terrain. » L’eau a été rétablie dans une partie des habitations, mais les usines ne produisent pas assez et sa distribution alternée à des horaires très aléatoires a été rétablie. L’eau au robinet reste impropre à la consommation. Quant à l’électricité, les travailleurs d’EDM ont beau faire leur possible, ils ne peuvent raccorder toutes les maisons faute de moyens : à Petite-Terre, ils ne disposent que d’un véhicule avec nacelle. Faute de communications claires des autorités, c’est le bouche à oreille et l’entraide qui fonctionnent pour tout, à commencer par les distributions alimentaires.

Les habitants des bidonvilles, eux, ne peuvent compter que sur eux-mêmes et sur la solidarité de leurs voisins. Les ministres, relayant les politiciens locaux, affirment vouloir en empêcher la reconstruction. Mais les habitants des bidonvilles n’ont aucune autre solution que de tenter de rebâtir leur case, avec les matériaux qu’ils trouvent dans les décombres. Pour faire oublier qu’il est incapable d’assurer les besoins vitaux de la population, et détourner sa colère, l’État accuse les plus pauvres d’être des pilleurs. Mais si quelques-uns se servent des tôles des écoles, c’est qu’ils sont dans le dénuement le plus complet. Les vrais criminels sont à chercher du côté des autorités, qui n’ont toujours pas envoyé les secours dans les bidonvilles où vivent des dizaines de milliers de personnes.

À manipuler des tôles dans les gravats, les blessures se multiplient avec tous les dangers d’infection grave. Les épidémies liées à l’absence d’eau potable menacent, comme le choléra qui a fait sept morts dans l’île l’été dernier. Ces nouvelles victimes viendront s’ajouter à celles causées par le cyclone. Le véritable nombre de victimes reste inconnu, mais le gouvernement continue de répéter que le bilan de Chido est de 39 morts, signe du mépris sans borne des autorités pour la vie des pauvres. Il n’est pas sûr que ce nombre soit un jour connu, mais l’annonce de 100 morts, 500 morts ou plus encore serait une condamnation de l’État français.

La priorité des ministres et du préfet est de faire la chasse aux immigrés qui tenteraient de venir à Mayotte. Les forces de répression paradent en nombre dans les rues. Pourtant, les pilleurs de Mayotte ne sont pas les pauvres et les sans-papiers venus des Comores voisines. Ce sont les patrons qui profitent de la pénurie, à commencer par les Hayot, concessionnaire de Carrefour, ou ceux qui possèdent la Sodifram. Les prix flambent, le pack d’eau potable atteint 8 euros et le kilo de clous, indispensables pour reconstruire, 15 euros ! Le blocage des prix annoncé par Macron est inexistant. Et cette spéculation affame les plus démunis, désormais contraints d’acheter leur nourriture, alors qu’ils survivaient grâce à un petit lopin de terre ravagé par le cyclone.

À l’inverse des travailleurs, le patronat peut compter sur l’État pour défendre ses intérêts. Le projet de loi spéciale Mayotte, annoncé pour janvier, prévoit que le paiement des cotisations patronales soit suspendu « jusqu’à nouvel ordre ». Les patrons du BTP mahorais réclament l’allongement de la journée de travail à 14 heures, ainsi que la réduction de la durée de repos. Or, à Mayotte, les deux principales entreprises de BTP ne sont pas des petits artisans qui ont tout perdu avec Chido, ce sont des filiales des trusts français Vinci et Colas. Ces grands groupes se réjouissent déjà des contrats de reconstruction des bâtiments publics, sachant que plus d’une centaine d’écoles, collèges et lycées sont endommagés.

Quels que soient les discours hypocrites des ministres, la reconstruction de l’île ne se fera pas au profit des classes populaires qui continueront de survivre dans la précarité, mais à celui des grands groupes assoiffés de profits pour qui l’État est toujours un serviteur dévoué.

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