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Dans le monde
Mercosur
hypocrisie et division européenne
Hasard du calendrier, au moment où les éleveurs se mobilisent, en France, contre les abattages de troupeaux contaminés, l’Union européenne avait programmé au 20 décembre la ratification du traité de libre-échange avec les pays du Mercosur, le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay.
Malgré l’ajout par le Parlement européen de clauses dites de sauvegarde visant à « protéger la filière agricole », Macron et le gouvernement français ont réclamé un énième report de cette ratification.
Les discussions autour de ce traité ont démarré il y a plus de 25 ans, lors d’une période où la mondialisation de l’économie et la suppression des barrières douanières étaient l’alpha et l’oméga pour les pays les plus riches. Les mêmes ont pris aujourd’hui un virage protectionniste dont Trump fournit l’exemple. Dans ce type d’accord, les gagnants sont toujours les capitalistes les plus forts, tandis que les perdants sont les petits producteurs, de part et d’autre de l’Atlantique.
Du côté des gagnants, il y a des groupes de l’automobile, de la chimie ou de la pharmacie comme Volkswagen, Renault, Bayer, Sanofi ou Merck ; des exportateurs de vin et de spiritueux comme le groupe Castel ou des groupes agroalimentaires comme Danone. Avec ce traité, ceux-là accéderaient au marché sud-américain sans avoir à payer de taxes. Du côté des perdants potentiels, il y a les producteurs, petits ou grands, de volailles, de sucre ou d’huile – dont fait partie Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et dirigeant du groupe Avril, vent debout contre le Mercosur.
Ces intérêts contradictoires expliquent, sur ce sujet comme sur d’autres, les positions différentes affichées par les gouvernements européens. L’Allemagne et l’Espagne, notamment, sont favorables à la ratification, tandis que la Pologne y est opposée. En France, les dirigeants politiques, du RN à LFI, sont unanimes pour dénoncer, en public, les méfaits de ce traité et se poser en défenseurs de l’agriculture tricolore. Cela leur permet de désigner le bœuf argentin ou le soja brésilien comme les principaux responsables des difficultés économiques d’une fraction des agriculteurs, en oubliant que ces derniers sont surtout étranglés par Lactalis ou Bigard, des agro-industriels bien français.
Ces postures protectionnistes n’ont pas empêché les gouvernements qui se succèdent depuis 25 ans de négocier en coulisse le contenu de ce traité de libre-échange, pour défendre les intérêts des capitalistes européens qui lorgnent le vaste marché du Mercosur. Ainsi Macron, qui a demandé ces derniers jours « un report de l’examen du traité », le défendait en 2019 en affirmant : « cet accord est bon pour nos entreprises et nos emplois ».
Les travailleurs, les consommateurs, les petits producteurs n’ont pas à choisir entre le libre-échange et le protec- tionnisme. Sous le pouvoir des capitalistes, ils seront de toute façon pressurés pour être toujours plus productifs et pour payer leur nourriture ou leur voiture. Ils risqueront aussi d’être empoisonnés, que ce soit par les PFAS français ou par du bœuf brésilien traité aux antibiotiques. Quant aux petits producteurs, ils continueront de risquer la faillite, étranglés avant tout par les rois de la jungle capitaliste.