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Dans le monde
Ukraine-Russie
jusqu’au dernier homme ?
Le président Zelensky, qui jurait que jamais il ne céderait un pouce de la terre sacrée de l’Ukraine, vient d’admettre qu’il pourrait y consentir, dans un premier temps, pour aller vers un cessez-le-feu. Mais, a-t-il ajouté, à la condition que l’Occident nous « invite à adhérer à l’OTAN ». Ce que le Kremlin a aussitôt qualifié « d’inacceptable ».
Depuis des mois, les forces armées russes progressent en Ukraine et la Russie se trouve en position de force dans ce que l’on présente désormais comme le prélude à une conclusion du conflit. Quelle conclusion ? Ni Poutine ni, en face, Zelensky et pas même Biden ou Trump ne pourraient le dire. Mais quand le général Keith Kellog, chargé du conflit russo-ukrainien dans l’équipe de Trump, dit qu’il faudrait que Washington « propose de reporter l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN pendant une période prolongée en échange d’un accord de paix », Zelensky a déjà la réponse à la condition qu’il pose.
Le président ukrainien est d’autant moins en situation de faire valoir des exigences que son armée peine de plus en plus à contenir la poussée russe, que la population n’en peut plus et qu’une partie d’entre elle accepte des concessions territoriales qui, veut- elle croire, rapprocheraient la paix.
Plus fondamentalement, dans les tractations sur « l’après » que l’on voit s’entamer, Zelensky ne pèse pas lourd, surtout face aux États-Unis, dont il a accepté d’être l’instrument contre son peuple et contre la Russie dans cette partie de l’ex-URSS. En 2019, Zelensky, un acteur populaire mâtiné d’affairiste, avait accepté d’être propulsé à la présidence ukrainienne par Kolomoïsky, un des principaux oligarques-mafieux du pays. Une fois élu, il avait fini par se retourner contre son parrain, dans tous les sens du terme, tout en poursuivant une politique antiouvrière et favorable aux nantis locaux ainsi qu’aux trusts occidentaux.
Mais voilà, dès lors que son parrain américain n’a plus autant besoin de lui, Zelensky n’a pas les moyens, excepté des effets de tribune, de refuser vraiment la politique qu’il lui dicte. D’autant que Washington pourrait aussi lui trouver un remplaçant avec lequel traiter.
Alors, Zelensky peut bien dire qu’il n’accepte « aucune alternative à une adhésion complète à l’OTAN », cela ne pèse pas sur ce que décidera Washington. Cela sauvera-t-il les apparences en Ukraine même ? Ni plus ni moins que le limogeage, neuf mois après sa nomination, du commandant des forces terrestres de Kiev. Il s’agit d’un rituel bien rodé qui désigne à la population un bouc émissaire pour les reculs continus de l’armée, et surtout pour les morts et blessés toujours plus nombreux, les destructions sans fin qu’implique cette guerre voulue par les dirigeants des États en présence.
Car, quel que soit l’arrangement auquel ceux-ci parviendront peut-être – et à quelle échéance ? – pour en arriver là, il aura fallu au moins trois ans d’une tuerie fratricide dont les peuples, ukrainien bien sûr mais russe aussi, ne voulaient pas. Et ils en ont déjà payé un prix exorbitant. L’Ukraine d’abord est un pays ravagé, celui où il y a désormais, dit-on, le plus de mines actives au monde – les États-Unis viennent d’en livrer à Kiev, avec un nouveau lot de missiles. Cela signifie des centaines de milliers de morts et un nombre effroyable de soldats, de civils amputés, dont des enfants. Ce bilan, les autorités ne le chiffrent pas, pas plus à Kiev qu’au Kremlin, de crainte des réactions de la population.
Cette boucherie est le produit de la pression exercée par l’impérialisme américain et ses alliés pour réduire toujours plus l’influence russe dans l’espace post-soviétique, ce qui a suscité en retour la réaction que l’on sait du régime de Poutine.
Dès la fin de l’URSS, en 1991, les stratèges de Washington ont envisagé et planifié ce scénario. Ceux de Moscou y ont répondu en revendiquant la Novorossiya qui, au temps des tsars, s’étendait sur le pourtour sud-est de l’Ukraine, d’Odessa à Kharkov via le Donbass. Cela ressemble à ce que Trump semble prêt à concéder à Poutine. Outre que ni les uns ni les autres n’envisagent de consulter les populations concernées, cette « solution » ne signifie pas la paix. C’est ce qu’a souligné à sa façon Zelensky quand il a déclaré sur Sky News qu’il s’agissait de « mettre un terme à la phase chaude de la guerre » : il ne parlait donc pas d’arrêter celle-ci. On peut imaginer ainsi qu’un cessez-le-feu plus ou moins précaire pourrait servir de répit à Kiev, le temps pour l’Occident de le réarmer, et Trump verrait bien l’Union européenne s’en charger. Il y a un précédent, comme l’a reconnu la chancelière Merkel, qui avait cosigné en février 2015 les accords de Minsk II avec Hollande, Poutine et l’Ukrainien Porochenko. C’est au réarmement de Kiev que ces accords servirent, alors qu’on les disait garantir la paix dans le Donbass.
En attendant un éventuel cessez-le-feu, le sang continue de couler à flots sur le front, dans des bourgades rayées de la carte, dans les villes ukrainiennes et désormais dans leurs sœurs russes sur lesquelles s’abattent obus et missiles. Et tout cela pour quoi ? Pour décider qui, des oligarques russes ou ukrainiens, des bourgeois ukrainiens, russes, américains ou européens, pourra exploiter le plus de travailleuses et de travailleurs de cette région et mettre la main sur ses richesses. Non, travailleurs ukrainiens et russes ont les mêmes ennemis, et le même intérêt à les chasser du pouvoir !