Article de presse
Journal Lutte ouvrière N°2938
Guyane : sécheresse et profiteurs de crise
La sécheresse exceptionnelle qui touche la région amazonienne a particulièrement frappé la Guyane ces dernières semaines.
Publié le 20/11/2024
Le niveau historiquement bas de certains fleuves, notamment le Maroni à l’ouest et l’Oyapock à l’est, a perturbé l’approvisionnement des villages accessibles uniquement en pirogue. Cela a même perturbé certains services publics, en particulier les écoles, dont certaines ont fermé faute de transport scolaire. Certains écoliers ont été transportés par les hélicoptères de l’armée à Saint-Georges et Cayenne pour rejoindre leurs internats.
Si ces villages sont très durement touchés, de grandes villes commencent aussi à l’être : Mana et Saint-Laurent-du-Maroni, où l’eau potable est devenue une denrée rare. L’eau étant pompée dans les fleuves, le bas niveau fait que la marée apporte de l’eau salée et rend celle du robinet difficilement buvable. Le 13 novembre, la mairie de Saint-Laurent a pris un arrêté avertissant que l’eau n’était plus potable jusqu’à nouvel ordre.
Pour ce qui est de l’isolement des villages comme des problèmes d’alimentation en eau potable, l’incurie de l’État est en cause. Ce genre de crise s’est déjà produit et celle-ci était annoncée depuis longtemps. Mais les autorités n’ont fait qu’attendre et voir venir et n’ont rien anticipé. Par-dessus tout, le sous-développement est en cause. Les plans d’une route reliant certains villages isolés existent depuis 1988, mais restent dans les tiroirs. Ils peuvent éventuellement servir lors du passage du président de la République ou du ministre des Outre-mer pour un beau discours…
Enfin, il y a aussi les profiteurs de la crise, car dans les villages isolés ou à Saint- Laurent cette crise de l’eau entraîne une augmentation outrancière des prix. On connaissait la vie chère, mais cela empire. Dans un village comme Maripassoula, les magasins ne sont plus approvisionnés par pirogue mais par les avions d’Air Guyane et parfois par l’armée, avec cependant des volumes réduits. Les rayons sont donc en grande partie vides et le peu de produits restants voient leur prix multiplié par deux ou trois. La bouteille de gaz est passée de 70 à 100 euros, le lait en poudre de 38 à 68 euros. À Saint-Laurent, les packs d’eau dans les magasins sont rationnés à trois par famille. Le prix est autour de 4,15 euros dans les grandes enseignes et atteint 8 euros dans les petites épiceries… pour un peu plus d’un euro à Paris ! Tous ceux qui le peuvent se font livrer par des amis ou de la famille de l’eau minérale depuis Kourou ou Cayenne, où les packs sont vendus moins cher et ne sont pas rationnés.
Quand l’eau se raréfie, les profiteurs de crise, petits et surtout gros commerçants, sont à la manœuvre et prospèrent d’autant plus.
Correspondant LO
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