Les imbéciles prétentieux15/12/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/12/une-2211.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C172%2C231_crop_detail.png

Article du journal

Les imbéciles prétentieux

Il a bien mérité son nouveau surnom de « Bison pas très futé », le ministre de l'Intérieur qui déclarait souverainement mercredi 8 décembre : «il n'y a pas de pagaille. » Il faisait cette remarque perspicace au moment où des milliers d'automobilistes étaient déjà coincés par la neige, où plusieurs centaines d'autres allaient passer la nuit dans leur véhicule et où les pistes de l'aéroport de Roissy étaient fermées.

Un nouvel épisode neigeux se préparait pour le milieu de la semaine suivante. Si, du Premier ministre au ministre de l'Intérieur et au secrétaire d'État aux Transports, ils montrent autant d'efficacité, il vaudra vraiment mieux rester chez soi !

Bien entendu, ce serait trop demander à un ministre de reconnaître la défaillance de l'État, et surtout d'y remédier. À peine éclaté le scandale des routes bouchées, de voitures dans les fossés et d'autres faisant du patinage pas très artistique, le Premier ministre Fillon, en voyage à Moscou, trouvait une explication : « C'est la faute à Météo France qui n'a pas su prévoir. »

Les journaux télévisés se sont alors fait un plaisir de rappeler, documents d'origine à l'appui, que Météo France avait clairement défini, la veille, les zones géographiques où il y aurait un fort risque de chutes de neige importantes. Mais, erreur des erreurs, elle avait annoncé une épaisseur de neige entre trois et dix centimètres. Or, il y a eu des endroits où cette épaisseur a atteint onze centimètres : preuve évidente que les ingénieurs prévisionnistes ne savent pas compter et que l'administration, ministres en tête, avait des raisons d'être surprise.

Thierry Mariani, secrétaire d'État aux Transports, était à Moscou le jour des fortes chutes de neige. Était-il occupé à mesurer l'épaisseur de la neige à Moscou ? Assistait-il à une représentation au théâtre du Bolchoï ?

Deux jours après le « mercredi noir », il a tout de même reconnu une erreur de l'administration : « Nous avons peut-être trop tardé à interdire la circulation des poids lourds. » Espérons qu'il y pensera à temps cette semaine ! Comme il pensera à faire saler tout bêtement les routes et dégager les grands axes de circulation.

Mais tous ces ministres, à force de chercher des boucs émissaires qui dégagent leurs propres responsabilités, ont mis sous le boisseau quelques chiffres rapportés par la presse. Le budget des routes a été réduit de 30 % au cours des deux dernières années. Le personnel du service de l'Équipement qui comptait 105 000 personnes en 2005, se retrouve aujourd'hui avec 62 000 agents.

Ministres ignares au sommet, personnel et crédits insuffisants à la base, il n'y a pas besoin de chercher midi à quatorze heures.

On nous dit qu'acheter des engins supplémentaires de déneigement ou des saleuses en nombre suffisant, cela ne vaut pas le coup. Après tout, des jours de galère de ce type ne se produisent guère plus de deux ou trois fois par an. Eh oui, mais ces deux ou trois jours risquent de coûter aussi cher que d'acheter le matériel nécessaire ! De plus, Paris bloqué par la neige, c'était une triste réalité pour des milliers de Parisiens, mais aussi un symbole.

Le gouvernement se fait une fierté de couper dans les effectifs des services publics. Et cela ne concerne pas que l'entretien des routes. Cela concerne aussi les hôpitaux, les maternités et les dispensaires de proximité, cela concerne l'Éducation nationale, tous secteurs où les conséquences ne se manifestent pas brutalement mais n'en sont pas moins dramatiques : des gens qui meurent dans l'ambulance faute d'hôpital ou de maternité de proximité ; des enfants dont le niveau d'instruction baisse de génération en génération, faute de classes en nombre suffisant ; des trains pour lesquels l'exactitude devient l'exception.

Alors, pensons-y : dans l'offensive de la bourgeoisie contre les classes populaires, il n'y a pas que l'attaque directe, le salaire qui baisse, l'emploi qu'on perd, le rythme de travail dont on crève. Il y a aussi toutes ces choses-là, dont l'ensemble indique que la société, au lieu d'avancer, est en train de régresser. Et tout cela, simplement pour qu'une minorité de capitalistes puisse prélever des prébendes de plus en plus grandes sur le budget et sur la société.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 13 décembre

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