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- Lutte ouvrière n°2311
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Article du journal
Syrie
Une nouvelle coalition de l'opposition... la population entre deux menaces
Le 11 novembre, vingt mois après le début du soulèvement en Syrie, plusieurs mouvements d'opposition au régime de Bachar El-Assad, accueillis par le Qatar, se sont donné une direction unifiée, plus large que ne l'était le « Conseil national syrien » (CNS), qui n'obtenait pas l'adhésion des grandes puissances et des dirigeants arabes. Ainsi est née une « Coalition nationale syrienne des forces de l'opposition et de la révolution ».
Cette proclamation d'une coalition de personnalités aspirant à succéder au régime actuel fait suite à l'initiative d'un vétéran de l'opposition, Riad Seif, soutenu par les États-Unis. La France, pour ne pas être en reste, a salué cette unification des opposants par la voix de son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui s'est félicité d'une avancée qualifiée d'« étape supérieure. » Puis François Hollande a annoncé dans sa conférence de presse que la France reconnaissait désormais cette coalition comme seule représentante du peuple syrien.
Même si le mot « révolution » figure dans la nouvelle appellation, cette coalition a été d'emblée placée sous la présidence d'un religieux, un imam de Damas opposant à Assad, présenté cela va de soi comme un « modéré ». Et un homme d'affaires a été chargé de lever des fonds pour armer les insurgés.
Le souci des dirigeants occidentaux est depuis plusieurs mois de tenter de mettre en place une alternative politique crédible au régime d'Assad, au cas où celui-ci finirait par s'écrouler. Le CNS avait à leurs yeux le défaut de n'être composé que d'opposants en exil n'ayant guère de crédit auprès des combattants de l'intérieur. De plus, les Frères musulmans le dominaient trop visiblement. Les anciens du CNS n'en conservent pas moins le tiers de la représentation de la nouvelle coalition et la porte reste ouverte à d'autres groupes encore à l'écart.
En élargissant leur représentation et en satisfaisant aux demandes des grandes puissances, les aspirants à la succession d'Assad espèrent obtenir de leur part des livraisons d'armes et notamment de missiles sol-air et antichars qui permettraient aux groupes armés de riposter aux avions et aux tanks de la dictature. Mais pour le moment la Coalition voudrait faire reconnaître sa légitimité à l'étranger dans l'espoir de pouvoir s'emparer des ambassades syriennes dans le monde et de mettre la main sur une partie des avoirs du régime Assad.
Quant au peuple syrien qui depuis vingt mois paye cher la volonté du régime de conserver le pouvoir, que peut-il attendre de cette coalition élargie ?
Sur le terrain, c'est une guerre civile meurtrière qui continue. D'un côté le régime d'Assad ne recule pas devant les bombardements de quartiers ou de villes entières, rendant la vie de la population insoutenable.
Mais, de l'autre, il apparaît de plus en plus que le régime imposé par des groupes armés dans les zones dites libérées ne vaut le plus souvent pas mieux. Exécutions sommaires, imposition de la loi islamique, mise en coupe réglée des villages contrôlés par des combattants djihadistes, tout cela n'augure rien de bon si de tels « libérateurs » finissaient par s'imposer dans le pays.
Ce que vise la coalition est de réussir à coiffer cette opposition armée d'une autorité politique présentable, à laquelle toutes les tendances politiques, de la gauche à la droite, accordent leur caution, tandis que les puissances occidentales pourraient leur accorder une aide financière et militaire. Mais le risque est bien, si la nouvelle coalition et l'opposition armée parvenaient à leurs fins, que le peuple syrien ne fasse qu'échanger une oppression contre une autre.