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- Lutte ouvrière n°2932
- Algérie : réactions contre la répression
Article du journal
Algérie
réactions contre la répression
En Algérie, après l’élection présidentielle qui a reconduit Tebboune, et qui a été marquée par une abstention massive, la police a procédé à une vague d’arrestations.
Alors que la campagne électorale s’était déroulée dans l’indifférence générale, les résultats et les magouilles pour masquer l’ampleur de l’abstention ont donné lieu à de nombreuses réactions et commentaires sur les réseaux sociaux. Inquiète que ces réactions ne deviennent incontrôlables, la police a traqué et arrêté les auteurs de certaines publications.
Au lieu d’apaiser le climat de peur qui prévalait avant l’élection, l’arrestation d’un jeune rappeur à Annaba et celle d’une militante à Touggourt ont au contraire déclenché des réactions populaires inédites depuis le Hirak – le mouvement de contestation populaire né en 2019 contre la candidature de Bouteflika à un cinquième mandat.
Le 27 septembre, à Touggourt, une ville du Sahara, c’est Abla Guemari, une figure locale du Hirak, accusée « d’apologie du terrorisme », qui a été arrêtée sur son lieu de travail. Depuis cinq ans, elle subit un harcèlement policier et judiciaire, pour avoir dénoncé la pauvreté dans laquelle vivent bien des populations du sud du pays. Celles-ci se considèrent comme marginalisées alors que sous leurs pieds le sous-sol regorge de pétrole, de gaz, de minerais de fer et d’or dont elles ne profitent pas. C’est pourquoi le 2 octobre, des femmes n’ont pas hésité à braver la répression en manifestant dans les rues de Touggourt, pour soutenir celle qui, avec courage, fait connaître leurs souffrances,
À Annaba, dans l’est du pays, ce sont les mots crus du rappeur Ahmed Djenidi, alias DAK, qui ont été le prétexte à son emprisonnement. Mais on reproche surtout à sa chanson très populaire Sawt al-Chaab (La Voix du peuple), de dénoncer le mépris, l’arbitraire, la mal vie et la déshérence sociale qui frappe la jeunesse. Une vaste campagne de solidarité, portée par le hashtag #freeDAK, s’est propagée à tout le pays. Les influenceurs algériens aux millions d’abonnés ont été interpellés par ceux-ci pour qu’ils s’engagent en sa faveur. À Annaba, la population lui a apporté son soutien en tapissant les murs de la ville de pancartes « FreeDAK ». Face à l’ampleur de ce soutien populaire inattendu, jeudi 3 octobre, quelques jours après son arrestation, DAK était placé sous contrôle judiciaire et libéré.
Les médias algériens, aux ordres du pouvoir, sont restés silencieux sur ces réactions populaires. Celles-ci, pour l’instant limitées, expriment le profond rejet d’un régime qui, pour s’imposer, s’est engagé dans une fuite en avant autoritaire.