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Iran
abstention et défiance pour le régime
Le 28 juin, s’est tenu le 1er tour de l’élection à la présidence de la République islamique d’Iran, pour élire le successeur d’Ebrahim Raïssi, mort dans un accident d’hélicoptère. Moins de 40 % des 61 millions d’électeurs se sont déplacés, obligeant à un deuxième tour.
En Iran comme dans tous les pays, même ceux qui se prétendent démocratiques, les élections ne donnent qu’une image très déformée de l’état d’esprit de la population. Les candidatures à la présidentielle doivent être validées par le Conseil des gardiens de la révolution, dont les choix résultent des rapports de force au sein des cliques du régime. Cette fois-ci, le Conseil a autorisé la candidature d’un « réformateur », Massoud Pezeshkian, médecin et député de Tabriz, mais a rejeté celles de l’ancien président conservateur Ahmadinejad et de l’ancien président du Parlement, Ali Larijani, représentant d’une riche famille iranienne.
Au 1er tour, Massoud Pezeshkian est arrivé en tête devant l’ultraconservateur Saïd Jalili, qui pourrait profiter du report des voix des autres candidats conservateurs. En fait, qu’ils soient « réformateurs », « conservateurs » ou « ultra-conservateurs », tous les candidats sont des hommes du régime, dans un système où les pouvoirs du président pèsent peu devant celui du Guide suprême et des pasdarans.
Pour autant, à divers reprises depuis la naissance du régime en 1979, la petite bourgeoisie urbaine et intellectuelle ou encore le milieu des affaires avaient voté massivement pour les réformateurs, qui affirmaient notamment leur volonté de normaliser les relations avec les États-Unis. Ainsi, le réformateur Rohani avait-il signé en 2015 l’accord sur le nucléaire, dénoncé ensuite par Trump. C’est d’ailleurs pour tenter d’augmenter le taux de participation qu’en 2024, contrairement à 2021, un candidat réformateur a été autorisé à se présenter. Pour la même raison, les horaires d’ouverture des bureaux de vote ont été allongés, parfois jusqu’à minuit !
Mais rien n’y a fait. Moins de deux ans après les révoltes de la jeunesse férocement réprimées après l’assassinat de Mahsa Amini par la police des mœurs, les réformateurs ne font plus illusion. Comme au mois de mars lors des élections législatives, de très nombreux électeurs, dans divers milieux sociaux, ont boycotté cette élection, de façon active et militante pour certains, avec les pieds pour la majorité, marquant ainsi leur défiance vis-à-vis du régime.
La petite bourgeoisie intellectuelle a été très mobilisée lors des révoltes de 2022, et beaucoup de ses figures, artistes, universitaires ou simples manifestants arrêtés pendant la révolte, croupissent toujours en prison ; elle a perdu les illusions qu’elle pouvait avoir dans les réformateurs. Dans les classes populaires, longtemps soutiens d’un régime qui se prétend proche du peuple et anti-impérialiste, bien des électeurs n’ont pas voulu se déplacer non plus. La vie chère, avec une inflation autour de 50 %, les privations engendrées par les effets de l’embargo américain et du fait des monopoles détenus par les pasdarans et autres privilégiés du régime, les salaires non payés, rendent infernale la vie quotidienne de dizaines de millions de personnes. Il faut deux ou trois emplois pour s’en sortir. L’abstention massive lors du scrutin du 28 juin vient encore confirmer le rejet du régime.