Révolte en Iran : quelles perspectives et quelle direction ?30/10/20222022Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2022/10/227.jpg.484x700_q85_box-0%2C0%2C1383%2C2000_crop_detail.jpg

Article du mensuel

Révolte en Iran : quelles perspectives et quelle direction ?

À la suite du décès de Mahsa Amini, 22 ans, morte le 14 septembre sous les coups de la police des mœurs de Téhéran parce qu’elle portait mal son voile, la contestation du régime des ayatollahs, qui dirigent depuis 1979 la République islamique d’Iran, a pris de l’ampleur.

Aux images de femmes brûlant leur voile dans la rue, au slogan phare du mouvement « Femmes, vie, liberté », se sont vite ajoutés les mots d’ordre « Mort au dictateur », « Khamenei tu es un meurtrier, nous t’enterrerons », « À bas l’oppresseur, qu’il soit roi ou guide suprême », repris un peu partout dans tout le pays. La contestation touche toutes les grandes villes, dans toutes les régions, que la population appartienne à des minorités ethniques ou non, qu’elle soit chiite ou sunnite.

Des manifestants, femmes et hommes, jeunes et déterminés

La détermination des manifestants, femmes et hommes réu­nis, est frappante. Les femmes qui circulent ostensiblement sans voile savent qu’elles risquent d’être battues par la police, arrêtées et torturées en prison, mais cela ne les arrête pas : « Je me bats, je meurs, je récupère l’Iran », scandent certains manifestants. Une banderole proclamait mi-octobre à Téhéran : « Nous n’avons plus peur de vous, et nous allons vous combattre. » Et il y a d’ailleurs des blessés et des morts du côté des forces de répression. Dès les premiers jours, les proches de l’ayatollah Khamenei ont exhorté la police et les pasdarans, les gardiens de la révolution, à « ne montrer aucune pitié » et à « ne pas épargner les criminels ». Selon l’association Iran Human Rights, plus de 240 personnes avaient déjà été tuées au 15 octobre et des milliers d’autres blessées, un chiffre précis étant difficile à établir car les blessés fuient les hôpitaux où les sbires du régime viennent les arrêter, comme 8 000 manifestants l’ont déjà été dans plus de cent villes.

Dans deux régions plus pauvres que les autres, où la population est majoritairement sunnite, et non pas chiite comme les ayatollahs au pouvoir, le Kurdistan et le Sistan-et-­Baloutchistan, la répression a été particulièrement violente. Au Kurdistan iranien, région où vivait Mahsa Amini, les opposants au régime sont plus organisés, souvent sur les bases des nationalistes kurdes, parfois en se revendiquant du maoïsme ou du communisme. Sous prétexte que certains manifestants étaient armés, la police et les pasdarans ont tiré à balles réelles, tuant au moins 30 personnes. Au Baloutchistan, le viol et le meurtre d’une jeune Baloutche de 15 ans par le chef de la police du port de Chabahar se sont ajoutés à la colère suscitée par la mort de Mahsa Amini pour déclencher des émeutes populaires. La répression a fait plus de 50 morts, tandis que deux colonels des pasdarans étaient tués.

Une autre caractéristique de cette contestation est la grande jeunesse des participants. La révolte ne touche pas seulement les étudiants, qui ont imposé la suspension des cours, puis des occupations d’universités, à Téhéran et dans une dizaine d’autres villes, aux cris de « Les étudiants préfèrent la mort à l’humiliation », avant d’être délogés manu militari et embarqués en garde à vue ou en prison. Elle touche des élèves du secondaire, et d’abord des filles, parfois même du primaire, arrachant le portrait de l’ayatollah qui trône dans toutes les classes, lui faisant un doigt d’honneur sacrilège, refusant de porter le voile et se rendant à des manifestations interdites. Le conseil de coordination des enseignants du primaire, qui avait organisé, en dehors des syndicats officiels, une longue grève pour les salaires fin 2021 et début 2022, dénonce l’intrusion de la police dans les établissements scolaires et la délation par certaines directrices. Ainsi le 17 octobre Asra Panahi, 16 ans, qui avait refusé de participer à une manifestation imposée de soutien au régime, est morte à Ardabil, sous les coups de la police. La mort de deux autres lycéennes de 16 ans, tuées au cours d’une manifestation, et les pressions du pouvoir sur leurs familles pour qu’elles avalisent une version officielle mensongère des causes de leur décès, ont renforcé la colère. Parmi les victimes de la répression, 23 auraient entre 11 et 17 ans selon Amnesty international. Un juge de Téhéran condamne systématiquement les mineurs arrêtés à un an de prison, 74 coups de fouet et un an de présence obligatoire à la prière du vendredi ! Cela n’arrête pas ces jeunes : la révolte et la détermination ne sont pas une question d’âge.

Une contestation populaire

En s’en prenant violemment à la jeunesse, le régime a suscité une large réprobation dans le pays. Des personnalités sportives, comme les footballeurs de l’équipe nationale, ou culturelles, jusque-là loyales au régime, ont marqué leur soutien à la révolte. Ces personnalités ont pris le risque d’être arrêtées sous l’accusation « d’encouragement aux émeutes » et de « solidarité avec l’ennemi », comme l’a été un ancien animateur de la télévision publique. De nombreux lieux culturels, mais aussi des magasins, restent fermés en signe de soutien.

Le soutien n’est pas limité à la petite bourgeoisie. Il semble plus profond. En atteste le succès viral de la chanson Baraye, relayée immédiatement par plus de 40 millions de personnes, dans un pays de 82 millions d’habitants. Composée par un chanteur populaire de 25 ans, arrêté pour cela avant d’être relâché, Baraye (« à cause de… » ou « pour » en persan) égrène les raisons de renverser le régime et dresse la liste de tous les interdits dans cette dictature, pour les femmes, pour la jeunesse comme pour toute la population. Elle dénonce pêle-mêle le contrôle des mœurs, l’avenir bouché, les arrestations arbitraires, la pauvreté, l’impasse économique du régime, la pollution qui ravage le pays…

Un autre indicateur du soutien populaire, porteur d’espoir pour l’avenir parce qu’il pourrait changer la nature sociale de la contestation, est la grève organisée par quelque 4 000 travailleurs du complexe pétrolier de South Pars, dans le sud du pays, rejoints par ceux des raffineries du Khouzistan, plus au nord. Ces travailleurs représentent une force, par leur nombre, par leur concentration dans un secteur qui fournit la principale ressource économique du pays, et plus encore par leurs traditions de lutte. Leurs anciens avaient joué un rôle crucial, en 1979, dans la chute du shah, qui avait amené au pouvoir les ayatollahs. À l’été 2021, ils avaient fait grève pour obtenir la titularisation des contractuels, que les patrons de l’industrie pétrolière, proches du régime, embauchent pour réduire les salaires et dégrader les conditions de travail. Les syndicats officiels étant soumis aux patrons et les syndicats indépendants étant interdits, les travailleurs du pétrole ont pris l’habitude de créer des comités de lutte. Ainsi, le comité de lutte des contractuels du pétrole a publié début octobre une adresse au régime : « Nous arrêterons de travailler et rejoindrons le peuple si vous continuez à tuer et à arrêter des gens dans leur protestation contre le port obligatoire du hijab. » D’autres militants, dans le secteur du transport et l’industrie sucrière, ont appelé à la grève.

La dictature des ayatollahs

Le régime redoute que la révolte actuelle, démarrée dans la jeunesse, sur le terrain des libertés démocratiques, contre le voile obligatoire, ne se transforme en révolte sociale. Il le craint d’autant plus que les ayatollahs ont eux-mêmes accédé au pouvoir en prenant la tête de l’immense soulèvement populaire qui a fait tomber la monarchie pro-américaine du shah, avant de le canaliser et de réprimer tous leurs opposants.

La République islamique est depuis sa naissance une dictature théocratique et policière, imposant les conceptions moyenâgeuses du clergé chiite sur la place des femmes dans la société et sur leur tenue, réprimant durement ses opposants politiques et tous les travailleurs qui résistent à l’exploitation. Mais elle a su gagner, au cours des années 1978-1979, une base populaire assez solide pour lui permettre de résister pendant plus de quarante ans aux pressions de l’impérialisme, à plusieurs embargos économiques, à une guerre dévastatrice avec l’Irak et à plusieurs révoltes intérieures.

En apparaissant comme un opposant irréductible à la dictature militaro-policière du shah, l’ayatollah Khomeiny (1902-1989), chef du clergé chiite, emprisonné puis exilé pendant quinze ans en Irak puis en France, s’est imposé comme le dirigeant du soulèvement populaire qui dura des mois en 1978-1979. Pour y parvenir, il a pu compter sur le suivisme et l’aveuglement politique de toutes les forces politiques antimonarchiques du pays, depuis les courants bourgeois libéraux jusqu’aux organisations se réclamant d’un « islam révolutionnaire » teinté de marxisme, comme l’organisation des Moudjahiddines du peuple, en passant par le parti Toudeh, le parti communiste iranien. Sous prétexte de faire l’unité contre le shah, sous prétexte que Khomeiny, le clergé chiite qui le suivait et les milices qu’il contrôlait, étaient extrêmement populaires dans les milieux pauvres, tous les partis d’opposition, qu’ils soient laïcs, libéraux ou marxisants, l’ont reconnu comme la direction du mouvement. Les partis qui avaient quelque crédit auprès des ouvriers, en particulier ceux du pétrole, organisés dans des comités et en grève contre le shah, manifestaient derrière les portraits de Khomeiny, sans jamais mettre en garde les travailleurs contre le danger qu’il représentait. Non seulement ces partis laissèrent le pouvoir aux religieux, mais ils désarmèrent politiquement les travailleurs, en présentant les ayatollahs comme leurs alliés et même leurs représentants.

Khomeiny accéda au pouvoir le 12 février 1979, à l’issue d’une insurrection armée des masses pauvres de Téhéran, qu’il n’avait pas souhaitée et qu’il ne put empêcher, mais aussi avec le soutien d’une large fraction des officiers de l’armée, formés par les États-Unis et loyaux au shah encore quelques semaines auparavant. La République islamique fondée par Khomeiny recycla l’essentiel des cadres de cette armée, même si elle créa de nouveaux organes de répression, une deuxième armée avec les pasdarans ou gardiens de la révolution, ainsi que les bassidjis, des milices recrutant des pauvres pour encadrer d’autres pauvres au nom du rigorisme religieux.

Dès sa naissance, l’idéologie du régime a été un mélange de nationalisme anti-impérialiste, de démagogie égalitaire à l’égard des pauvres et, en même temps, d’obscurantisme religieux et de pratiques sociales réactionnaires. La bourgeoisie iranienne a vite trouvé son compte dans ce régime capable d’encadrer les classes populaires, alternant les promesses d’un paradis fabuleux après la mort et la politique du gros bâton et des coups de fouet. Il n’a pas fallu longtemps pour que tous les partis qui s’étaient alignés derrière Khomeiny soient interdits et leurs militants traqués puis jetés en prison. Quelques semaines après la chute du shah, Khomeiny abrogeait l’ancien Code de la famille, réservait l’initiative du divorce aux seuls hommes et imposait le port obligatoire du voile à toutes les femmes d’Iran. Le 8 mars 1979, quelque 50 000 femmes défilaient tête nue à Téhéran contre cette obligation. Quelques mois plus tôt, nombre d’entre elles avaient dénoncé la politique d’interdiction du voile par le shah et acclamé Khomeiny comme opposant numéro un. En mai, une première femme était fouettée en public. En août, les milices de Khomeiny, avec la participation de l’armée, réprimaient les combattants autonomistes kurdes. Rapidement, les partis, organisations et journaux libéraux, de gauche et d’extrême gauche furent interdits ; le droit de grève fut abrogé, les leaders syndicaux arrêtés et la liberté de la presse supprimée. Une chape de plomb réactionnaire et antiouvrière s’abattait sur l’Iran.

La profonde révolte populaire qui avait chassé le shah avait accouché d’une nouvelle dictature parce que, au cours de celle-ci, les exploités n’avaient pas trouvé une direction politique leur permettant de prendre eux-mêmes le pouvoir. Pour changer la société, le courage et la détermination ne suffisent pas, il faut une direction politique permettant d’aller jusqu’au bout.

La base sociale du régime s’est rétrécie

Depuis 1979, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et la base populaire de la République islamique s’est considérablement rétrécie.

Sans remonter jusqu’à la révolte de 2009 contre la réélection frauduleuse du « conservateur » Ahmadinejad face au « réformateur » Moussavi, le régime a été ébranlé ces dernières années par plusieurs révoltes populaires. Fin 2017-début 2018, une vague de contestation du régime contre la vie chère, contre les privilèges des dignitaires du régime et des institutions religieuses qu’ils gèrent, contre les faillites organisées des banques locales, était partie de Machhad, deuxième ville du pays et siège de nombreuses institutions religieuses. Cette contestation avait entraîné les petites gens des villes de province et les paysans, dont les terres sont spoliées et l’eau volée par les protégés des pouvoirs régionaux, deux catégories sociales sur lesquelles les fractions conservatrices du régime avaient pu s’appuyer bien des fois dans le passé. Elle s’était étendue aux grandes entreprises du pays, aux sites pétroliers, aux usines sucrières, aux aciéries, dont les travailleurs font très souvent grève pour toucher leur salaire et empêcher leurs directeurs de voler leurs primes ; aux camionneurs, souvent salariés, parfois autoentrepreneurs, mais dépendants de puissants donneurs d’ordres. En Iran, la répression contre les militants et la nécessité de s’organiser en dehors des organisations officielles transforment très vite les grèves économiques en combat politique.

En novembre 2019, une autre révolte a démarré contre l’augmentation du prix du carburant et des produits de première nécessité. Les manifestants s’en sont pris aux dignitaires du régime, aux officiers des pasdarans, ce corps distinct de l’armée officielle, pilier du régime, dénonçant leurs privilèges, leur monopole sur l’import-export, leur corruption et leurs coûteuses interventions militaires au Moyen-Orient ; et aux membres du haut clergé, qui prêchent l’austérité et la sévérité des mœurs mais vivent dans le luxe et sont régulièrement impliqués dans des affaires de mœurs ou des réseaux de prostitution.

À chacune de ces révoltes, le régime a riposté par une répression impitoyable. En 2019, c’est au prix de plus de 1 500 morts (chiffres de l’agence Reuters), de milliers de disparitions et de condamnations à des années de prison qu’il a pu refermer, pour un temps, la chape de plomb. L’autre arme qu’il essaie systématiquement de mettre en œuvre est l’exacerbation du nationalisme, pour tenter de souder les couches pauvres derrière les mollahs en dénonçant les « ennemis étrangers », en particulier « l’Arabie saoudite, le grand Satan américain et les sionistes d’Israël ».

Mais le mythe d’une République islamiste soucieuse du sort des pauvres est de plus en plus usé. Pour la première fois, le régime semble avoir de grandes difficultés pour organiser des contre-manifestations favorables aux ayatollahs, comme il y était parvenu lors des révoltes précédentes. La crise économique, aggravée par l’embargo américain mis en œuvre sous Trump en 2018, entraîne la flambée des prix et de multiples pénuries pour la population. L’inflation officielle dépasse les 50 % et le prix de multiples produits quotidiens a été multiplié par deux en un an. En dix ans, le niveau de vie moyen de la population iranienne a été réduit de 25 %. Le contraste entre cette dégradation, qui frappe bien sûr en premier lieu les classes populaires, et la corruption des dignitaires du régime, leurs exonérations d’impôts, les fortunes qu’ils tirent de la rente pétrolière, de leur contrôle sur les importations et de nombreux biens de l’État, le luxe dans lequel vit leur famille, est de plus en plus saisissant. Ainsi l’agence Reuters estime la fortune de l’ayatollah Khamenei, réalisée à travers ses participations dans les entreprises publiques, à 95 milliards de dollars, trois fois le revenu des exportations annuelles de pétrole de l’Iran.

L’attitude des impérialistes face à l’Iran

Le régime a beau dénoncer les ingérences étrangères dans la révolte en cours, la réalité est que les gouvernements impérialistes, américain comme européens, se font surtout remarquer par leur silence complaisant. À part quelques critiques bien diplomatiques contre « la répression violente » et l’annonce de nouvelles sanctions contre l’Iran, l’attitude de Biden ou Macron face à la dictature brutale de Khamenei tranche avec celle qu’ils affichent actuellement face à Poutine. Pour l’administration américaine, « un changement de régime en Iran n’est pas la priorité ». Du côté d’Israël, c’est « l’attentisme et la prudence » (Courrier international) qui priment.

Si depuis des décennies les puissances occidentales, et surtout les États-Unis, cherchent à affaiblir le régime des mollahs, arrivé au pouvoir en chassant leur protégé et en faisant de la dénonciation du « grand Satan américain » son fonds de commerce politique, elles ne veulent surtout pas que ce régime tombe à la suite d’un soulèvement populaire, qu’elles redoutent plus que tout. Dès le départ, elles ont composé avec lui. Si elles ont poussé, dans les années 1980, l’Irakien Saddam Hussein à déclencher une guerre contre l’Iran de Khomeiny, elles ont très vite vendu des armes à ce dernier (Irangate en 1985), pour maintenir un équilibre meurtrier entre les deux pays. Même la rivalité entre l’Iran et l’Arabie saoudite permet aux dirigeants impérialistes de maintenir les princes saoudiens sous pression. Au fond, Biden ou Macron ne sont pas plus gênés par la brutalité de l’Iranien Khamenei que par celle du Saoudien Mohamed ben Salman.

Et si l’Iran est moins docile que les deux alliés régionaux de l’impérialisme, l’Arabie saoudite ou Israël, il joue lui aussi le rôle de gendarme au Moyen-Orient. Ainsi les États-Unis ont-ils choisi de favoriser des partis et milices chiites, très liés à l’Iran, pour reconstituer l’appareil d’État irakien après la chute de Saddam Hussein, renforçant le poids des pasdarans dans la région. Malgré la rhétorique guerrière utilisée par l’Iran et Israël, qualifié de « petit Satan » par les ayatollahs, malgré leurs affrontements par milices interposées en Syrie ou au Liban, les assassinats ciblés ou les raids israéliens contre des installations nucléaires, l’Iran et Israël maintiennent de multiples relations commerciales, y compris dans le domaine de l’armement.

Ces derniers temps, la presse a beaucoup commenté la livraison par l’Iran à la Russie de drones kamikazes et de missiles lancés contre l’Ukraine. Elle souligne que les relations entre la Russie et l’Iran se sont renforcées depuis le début de la guerre, le 24 février. Ainsi, l’avocat franco-iranien Ardavan Amir-Aslani regrettait sur France Info, le 25 juillet 2022, que « l’Iran serve d’échappatoire aux sanctions internationales : un certain nombre de grands groupes internationaux vendent leurs produits aux Russes à travers des ventes réalisées au profit d’industriels iraniens ». Cela prouve seulement que les dirigeants iraniens cherchent à profiter des divisions internationales pour desserrer les sanctions qui les étranglent.

Sur la photo de Poutine et de Raïssi, le président iranien, à Moscou, en juillet 2022, figurait également le Turc Erdogan qui vend, lui, des drones militaires à l’Ukraine et est membre de l’Otan, tout en cherchant à ne pas se soumettre entièrement à la tutelle américaine. Selon l’évolution de la guerre en Ukraine, les conditions dans lesquelles elle pourrait se généraliser, les pays qui pourraient devenir demain des belligérants directs, les relations entre la République islamique et les puissances impérialistes peuvent changer plusieurs fois.

Quelles perspectives pour la révolte ?

On ne peut évidemment que souhaiter que le régime des ayatollahs finisse par tomber, sous la pression de la rue, de la jeunesse, des classes populaires et des travailleurs. Mais, d’une part, rien n’indique à ce jour que le régime soit à ce point fragilisé. D’autre part, la chute de la dictature ne réglerait rien, à elle seule, pour les pauvres et les exploités d’Iran, s’ils ne prennent pas eux-mêmes la tête de cette révolte, consciemment, avec leurs propres organisations et leurs propres objectifs politiques.

C’est l’une des cruelles leçons de la révolution de 1978-1979. Une autre leçon de cette époque, constatée depuis dans bien d’autres pays, de l’Égypte au Soudan, c’est qu’à la tête des révoltes des opprimés une direction finit toujours par s’imposer, qui peut alors canaliser leur lutte, voire s’en servir comme marchepied pour arriver au pouvoir.

Les candidats pour remplacer la République islamique par une autre dictature ne manquent pas. Déjà les monarchistes sont en embuscade : Reza Pahlavi, le fils du shah, a affirmé depuis son exil new-yorkais, sa solidarité avec les femmes iraniennes. D’autres politiciens, parmi les prétendus « réformateurs » du régime ou parmi les « démocrates » de tout poil, pourraient rapidement surgir et pousser les religieux vers la sortie. Le journal britannique The Independent envisage plusieurs scénarios. Il cite par exemple Ali Alfoneh, spécialiste de l’Iran à l’Arab Gulf States Institute de Washington, pour qui le plus probable serait le remplacement du régime actuel par « une junte militaire dirigée par des Gardiens de la révolution ». Nul doute que les ambassades et les services secrets des grandes puissances ne soient déjà à la manœuvre.

Il serait essentiel qu’il existe, en Iran, des militants ayant tiré toutes les leçons du passé, en particulier parmi les travailleurs combatifs qui se sont organisés ces dernières années pour défendre leurs conditions de vie dans plusieurs secteurs importants de l’économie. C’est pourquoi il faut œuvrer pour que, parmi les jeunes femmes et hommes courageux et déterminés qui manifestent dans le pays, ou dans la vaste diaspora, certains trouvent la voie pour renouer avec l’héritage des idées communistes, révolutionnaires et internationalistes, ce qui implique de s’appuyer sur le prolétariat et de se donner les moyens de l’organiser.

20 octobre 2022

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