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- Lutte ouvrière n°1630
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Editorial
Il faut faire entendre la volonté des travailleurs
A l'occasion de l'ouverture du débat parlementaire sur la deuxième loi Aubry, la CGT et un certain nombre de syndicats appartenant à d'autres confédérations ont appelé à manifester dans tout le pays contre le contenu de cette loi. De son côté, le MEDEF (le patronat) a organisé un rassemblement à Paris contre cette même loi. Mais travailleurs et employeurs n'avaient pas les mêmes raisons de la contester.
Les patrons crient, parce qu'ils trouvent que le gouvernement Jospin n'en fait pas assez pour eux. La loi Aubry leur offre la possibilité de mettre en place encore plus de " flexibilité ", comme ils disent, l'annualisation du temps de travail. C'est-à-dire la possibilité de ne plus avoir à payer de majorations pour les heures supplémentaires, de pouvoir imposer l'organisation des horaires de travail selon leurs seuls besoins, de nuit, quand ils le veulent, le samedi quand ils le souhaitent, sans tenir aucun compte de la vie de famille de leurs salariés. Mais les patrons en veulent encore plus. Ils voudraient de nouveaux cadeaux, de nouvelles subventions, sous prétexte de compenser les quelques frais que cela pourrait leur occasionner.
Mais pour la grande majorité des travailleurs, la loi Aubry signifie un renforcement de l'exploitation. C'est un nouveau pas dans le processus qui a vu, depuis que le chômage s'est développé, le patronat, avec la bénédiction de tous les gouvernements, remettre en cause tous les acquis de la classe ouvrière, développer le travail précaire, imposer des charges de travail toujours plus grandes, et de " plan social " en " plan social ", multiplier ses profits en supprimant des emplois par millions.
La classe ouvrière ne peut pas accepter indéfiniment que des millions de ses membres soient réduits au chômage, aux emplois précaires ou au temps partiel imposé, que ceux qui ont conservé un emploi se voient imposer des conditions de travail et de vie chaque jour plus difficiles. Il lui faut réagir.
Et cette classe ouvrière a les moyens de contraindre le patronat à reculer, le gouvernement à changer de politique.
Au lendemain des milliers de suppressions d'emplois annoncées par la direction de Michelin, alors même que cette entreprise affichait des profits en hausse considérable, il a suffi d'une manifestation réussie à Clermont-Ferrand, de l'annonce de la manifestation syndicale du 4 octobre, de l'initiative du Parti Communiste Français appelant à organiser une manifestation nationale contre le chômage, pour amener Jospin à changer de langage et à renoncer aux discours à la Ponce-Pilate dans lesquels il déclarait ne rien pouvoir y faire.
Il faudrait certes être bien naïf pour croire qu'il est décidé du même coup à changer de politique, et ce ne sont pas les vagues mesures qu'il a annoncées qui feront trembler les patrons. Mais ce changement de langage prouve au moins qu'il craint les réactions de la classe ouvrière.
Et c'est parce que la classe ouvrière doit se faire entendre le plus fort possible que Lutte Ouvrière a répondu positivement à l'invitation que lui a adressée, comme à d'autres partis ou mouvements, le Parti Communiste Français de co-organiser la manifestation du 16 octobre.
Cette manifestation n'aura évidemment un sens que si elle n'est pas sans lendemain, comme l'ont été tant de " journées d'action " en tous genres, que si elle est une étape dans un processus visant à redonner à la classe ouvrière, après tant d'années de recul, confiance dans ses forces, et dans sa capacité à changer le cours des choses, que si elle prépare la nécessaire riposte générale de la classe ouvrière qu'appelle la situation.
C'est pourquoi nous appelons tous les travailleurs, et tous ceux qui se sentent solidaires du monde du travail, à manifester à Paris, le 16 octobre, pour réclamer des mesures réelles contre le chômage, à commencer par l'interdiction de tous les licenciements collectifs, en particulier dans les entreprises qui font des bénéfices, sous peine de réquisition de celles-ci, d'expropriation sans indemnités.
Il faut retirer au grand patronat la possibilité de condamner à la misère des milliers d'hommes et de femmes, des régions entières, pour satisfaire les intérêts égoïstes d'une petite minorité.