Sommet de Florence : Paroles, paroles...26/11/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/11/une-1637.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Sommet de Florence : Paroles, paroles...

La ville de Florence a accueilli le sommet du " réformisme du XXIe siècle ", réunissant les principaux dirigeants sociaux-démocrates européens, l'Anglais Blair, le Français Jospin, l'Allemand Schröder et l'Italien D'Alema. A leurs côtés, posaient pour la postérité le président américain Clinton et le président brésilien Cardoso, qui, selon l'entourage du président américain partagent " les mêmes valeurs et les mêmes combats ".

Tous ces messieurs se présentent en gouvernants " réformateurs ", mais leurs projets concernant l'économie mondiale - y mettre un zeste de " justice sociale " - sont surtout de belles paroles. Quand ils se lâchent devant la presse, le naturel reprend le dessus : " Je ne pense plus souhaitable une société sans inégalités " (Schröder). Tous, ils ambitionnent de servir les classes riches et n'envisagent d'envoyer à la réforme ni l'ordre établi ni le capitalisme, mais ce qui reste des acquis sociaux que le mouvement ouvrier avait imposés dans le passé au prix d'une lutte difficile.

Jospin s'est expliqué sur " sa " " social-démocratie " dans un article d'une revue britannique, traduit dans Libération. Il y jette le socialisme par-dessus bord : " Pendant longtemps, on a défini le socialisme par l'appropriation collective des moyens de production. Cela n'a plu le même sens aujourd'hui. Ainsi, notre politique industrielle a dépassé la question de la nature de la propriété des moyens de production ". Se demander à qui appartiennent les grands moyens de production, et à plus forte raison les placer sous le contrôle de la population, pour lui, ce n'est plus à l'ordre du jour.

Ce n'est pas une surprise. On voit bien qu'alors que le patronat licencie à tours de bras, son gouvernement ne fait rien pour l'interdire aux dirigeants et aux actionnaires des grandes entreprises. Il reprend leurs justifications : " La défense de l'intérêt national et la lutte pour l'emploi peuvent justifier des alliances industrielles avec des entreprises privées françaises ou étrangères. Je n'entends pas bloquer ces alliances. [...] Ce qui compte, pour moi, ce sont [...] l'emploi, la croissance, la puissance économique et industrielle de nos entreprises, la place de la France. Si défendre ces objectifs nécessite d'ouvrir le capital d'une entreprise publique, voire de la privatiser, alors nous y consentons. "

Il défend la " compétitivité de notre appareil productif. C'est dans cet esprit que l'Etat s'engage dans [...] la constitution de groupes industriels de taille mondiale ", ce n'est donc pas lui qui s'opposera aux fusions de trusts et à la disparition de dizaines de milliers d'emplois qu'elles entraînent. Et c'est bien pourquoi les chefs de gouvernement réunis à Florence n'ont pas cessé de répéter qu'ils avaient les mêmes objectifs et qu'ils étaient bien tous les mêmes.

Les travailleurs, les pauvres, et même une partie des couches moyennes touchées par la crise en Europe ou en Amérique n'ont donc rien à attendre d'hommes comme Jospin, qui prétend " dépasser la question sociale " en faisant marcher du même pas " couches moyennes " et " exclus ". A ceux-ci, il réserve les mots creux : " pacte républicain ", " nouvelle alliance de classes ". Le concret c'est pour les patrons : " Les entrepreneurs réalisent que la gauche s'intéresse à la création d'entreprises, à l'innovation, à la prise de risque, à la simplification administrative ". On croirait entendre Seillière, le patron des patrons.

Et on verra bientôt ce qui se passe quand ces pseudo-réformateurs passeront des paroles aux actes. Les mêmes, et quelques autres, se retrouveront bientôt à Seattle pour un grand marchandage destiné à accentuer les effets dévastateurs du système capitaliste et l'emprise des grandes entreprises sur l'économie mondiale. Là, ce sera un débat... concret.

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