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- Lutte ouvrière n°1639
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Dans les entreprises
Hutchinson - joué-lès-Tours Indre-et-Loire : La grève met un coup d'arrêt aux 4x6 et à la flexibilité
L'usine Hutchinson de Joué-lès-Tours, qui produit des courroies, des tuyaux et des poulies pour les plus grands groupes de l'automobile et de l'électroménager, emploie 700 salariés, dont 150 intérimaires présents en permanence.
Depuis un an, les discussions sur la réduction du temps de travail ont commencé, la direction se contentant d'organiser des groupes de « réflexion et de discussion », sans dire où elle voulait en venir. Et puis le mois dernier, elle a balayé tout ce qui avait pu sortir de ces groupes, pour annoncer la couleur: ce serait les 4x6 pour toute l'usine!
Les 4x6, cela signifiait quatre équipes de six heures, chaque ouvrier travaillant une semaine 30 heures en cinq jours, et la semaine suivante 36 heures en six jours. Autrement dit, c'était le travail du samedi, des horaires démentiels (une des équipes aurait terminé à 23 h ou minuit tout en étant payée en heures de jour). Et puis les travailleurs auraient encore été débiteurs de 130 heures envers le patron, qui aurait pu utiliser ces heures à sa guise. Au bout du compte, dans le cadre de l'annualisation, cela revenait à travailler pratiquement tous les samedis.
Dans les ateliers, le mécontentement était vif, ce qui conduisit la CGT à appeler à la grève pour le vendredi 26 novembre.
A 8 heures ce matin-là, 180 travailleurs se sont retrouvés devant les bureaux de la direction. C'était pour l'essentiel des ouvriers et ouvrières de production, largement mobilisés puisqu'au total il n'y a que 300 agents de production en CDI.
Devant le refus de la direction d'entendre quoi que ce soit, la grève fut reconduite à l'unanimité pour le lundi matin.
Puisqu'il fallait organiser sérieusement l'affaire, la première décision prise le lundi par les 200 présents à l'assemblée générale fut d'élire un comité de grève, comité composé de onze menbres, syndiqués et non syndiqués. Le mandat donné au comité, outre l'application des décisions de l'assemblée des grévistes, ce fut de ne discuter avec la direction que sur la base du retrait pur et simple du projet de 4x6 et d'annualisation des horaires.
Lors des premieres rencontres avec le comité de grève, le patron expliqua doctement que les salariés ne pouvaient voir les choses d'un point de vue d'ensemble, qu'il fallait prendre en compte la situation générale de l'entreprise, etc.
Mais justement, les grévistes ne faisaient que ça, en AG, de discuter de la situation « générale » ! Ils savaient très bien par exemple que les profits de l'entreprise doublent chaque année depuis trois ans. Ils savaient aussi que le groupe Total, auquel Hutchinson appartient, a été assez riche pour se payer Elf. Autant de raisons donc de ne pas se laisser faire.
Après une manifestation dans la ville de Joué-lès-Tours le 30 novembre, les grévistes se sont organisés en groupes autour des membres du comité de grève, groupes qui s'occupaient, qui de la rédaction d'un tract s'adressant aux ETAM et aux non-grévistes, qui de la collecte d'un fonds de soutien à la grève, qui du ravitaillement des barbecues installés pour l'occasion sur le parking.
Plus rien ne sortait de l'usine, non que les grévistes aient bloqué les portes, mais du simple fait que rien ou presque n'était produit dans les ateliers, et que de plus les quelques rares camionneurs qui se présentèrent aux portes firent demi-tour en signe de solidarité avec la grève.
Jour après jour, il était notable que, loin de faiblir, le camp des grévistes (qui émargeaient chaque jour pour bien savoir où ils en étaient) se renforçait au contraire, grâce notamment au renfort de la Maintenance et de plusieurs employés des bureaux.
Après un début de recul le mercredi ter décembre, c'est finalement le jeudi 2 que le patron se décida enfin à entendre raison. Devant l'AG du matin, il vint d'un air grave annoncer qu'il était prêt à signer ce que les grévistes réclamaient: le retrait du projet de 4x6, et l'abandon du dispositif d'annualisation. Le passage aux 35 heures se fera sans modification des horaires actuels, avec compensation sous forme de jours de RTT et sans baisse de rémunération.
Après quelques ultimes discussions sur le problème du paiement des jours de grève (qui seront finalement retenus de façon échelonnée), et sur la question de l'attitude de l'encadrement après la grève, l'assemblée des grévistes vota la reprise du travail.
Même si les grévistes ont le sentiment de n'avoir remporté qu'une victoire défensive contre une attaque patronale sur fond de loi Aubry, le moral était bon à l'issue de cette grève, la première depuis pas mal d'années.