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Leur société
Une cagnotte peut en cacher bien d'autres
Le gouvernement va donc casser sa fameuse cagnotte. 40 milliards seraient affectés à des réductions d'impôts. Les 10 milliards restants iraient à des dépenses pour les hôpitaux, l'Education nationale, ou encore au financement de mesures déjà prévues pour les intempéries et la marée noire (autant que Desmaret n'aura pas à sortir des caisses de TotalFina, en ce qui concerne la marée noire).
Jospin a annoncé ces mesures au soir du 16 mars, le jour même où se déroulaient les manifestations massives d'enseignants et de fonctionnaires des Impôts. Elles sont évidemment liées au mécontentement qui s'exprime en ce moment, de façon spectaculaire dans le secteur public mais les entreprises du privé ne sont pas inactives. Sans les grévistes des hôpitaux, de l'Education nationale ou des Impôts, les 50 milliards en question auraient sans doute pris le même chemin que bien d'autres avant eux. Sous prétexte de réduction du déficit budgétaire, ils auraient fini d'une manière ou d'une autre dans la poche du patronat.
En distribuant ces milliards, Jospin espère donc désamorcer quelque peu le mécontentement. Il pense faire avaler à l'opinion publique et en particulier à son électorat traditionnel qu'il fait ce qu'il peut pour améliorer la situation de la population. Et pour cela, cette fameuse cagnotte est bien pratique. Une fois épuisée, il est facile pour le gouvernement de déclarer que la hotte est vide et qu'il ne peut plus rien donner.
Cependant les mesures annoncées sont dérisoires. Car qu'est-ce que 50 milliards par rapport aux près de 2 000 milliards du budget de l'Etat ou par rapport aux profits patronaux ? La TVA passera de 20,6 % à 19,6 % nous dit-on. Cela ne la ramène même pas au taux où elle était avant que Juppé ne l'augmente de 2 points alors même que Jospin avait promis, avant les élections de 1997, d'abroger cette hausse ! Rien n'obligera les industriels et les commerçants à répercuter cette baisse sur les prix. L'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation baisseront eux aussi. Cela devrait faire respectivement, selon les services du gouvernement, 700 F et 600 F en moins par ménage. C'est autant à récupérer pour tout ceux, parmi les plus pauvres, qui en bénéficieront réellement. Mais quelques hausses comme celles que l'on connaît ces derniers mois sur l'essence, risquent fort de dévorer assez vite ce petit gain. Quant aux dépenses destinées, selon Jospin, à " renforcer le service public ", ce qu'il a dit sur l'école suffit à en donner la mesure. Un milliard pour l'enseignement, cela fait 5 000 postes pour 70 000 établissements, ont calculé les enseignants en grève ! Trois fois rien...
Autant dire que ces mesurettes ne changeront strictement rien à la situation des travailleurs. Elles seront même totalement imperceptibles par la plupart des familles populaires. Ce sont des décisions d'une toute autre ampleur qui seraient nécessaires pour améliorer le sort de la population. Et pour les mettre en application, il faudrait puiser dans bien d'autres " cagnottes " dont Jospin se garde bien de parler. Celle des subventions à fonds perdus aux entreprises par exemple, soit autour de 300 milliards par an. De quoi réduire d'emblée de moitié le nombre de chômeurs officiellement recensés. Et tant qu'à faire, on pourrait aussi taper dans la cagnotte des profits patronaux, en ramenant par exemple leur taux d'imposition à ce qu'il était sous Giscard, voire bien au delà. Car si Jospin a attendu ces jours-ci pour baisser d'un point la TVA, la baisse des impôts concernant le patronat n'a pas attendu si longtemps. Sans compter les subventions qui viennent largement compenser les charges patronales. Aujourd'hui, alors que les profits explosent, chacun a pu constater en lisant la feuille explicative accompagnant sa déclaration fiscale que l'impôt sur les sociétés ne représente que 15 % des recettes de l'Etat.
Alors, pour satisfaire les besoins de la population, il y a encore bien des cagnottes à prendre !