Exposition : Courbet et la Commune au musée d'Orsay à Paris jusqu'au 11 juin 200005/05/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/05/une-1660.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Exposition : Courbet et la Commune au musée d'Orsay à Paris jusqu'au 11 juin 2000

Courbet fut un peintre du XIXe siècle qui engagea sa vie aux côtés des travailleurs quand ceux-ci proclamèrent la Commune de Paris en mars 1871. Une petite exposition, présentée à l'intérieur même du musée d'Orsay à Paris, témoigne de son engagement dans la Commune comme de son oeuvre.

En 1871, Gustave Courbet a 52 ans et est un peintre renommé qui décide de lier son sort à celui des travailleurs parisiens insurgés. Contrairement à beaucoup d'intellectuels qui au mieux se tinrent à l'écart des événements et au pire se retrouvèrent dans le camp de la répression, Courbet fut solidaire et partie prenante des efforts des Communards pour réorganiser la vie et la société en fonction des besoins des pauvres.

Auparavant, sous le Second Empire, Courbet avait fréquenté les cafés du Quartier latin où se rencontrait l'opposition républicaine. Bon vivant, ami du socialiste Proudhon, il refusa spectaculairement la Légion d'honneur. Il se voulait " Courbet sans courbettes ". A l'époque, la voie la plus sûre pour obtenir une reconnaissance de la part des autorités consistait à leur proposer des toiles immenses représentant des événements historiques ou mythologiques. Courbet - pas plus que des peintres comme Manet, Degas ou Monet, ceux qu'on appela plus tard les Impressionnistes - ne cédait à cette mode. Quand Courbet utilisa le grand format, ce fut pour peindre, entre autres, les habitants de son village, Ornans dans le Jura. Une salle du musée d'Orsay rend compte du talent du peintre, salle qui côtoie l'exposition temporaire sur les rapports du peintre avec la Commune.

Le visiteur n'en trouve cependant nul témoignage dans la peinture de Courbet. Et pour cause. Il s'était engagé pleinement dans les événements et n'avait pas la tête à peindre : " Malgré tout ce tourment de tête et de compréhension d'affaires auxquelles je n'étais pas habitué, écrivait-il, je suis dans l'enchantement. Paris est un vrai paradis ; point de police, point de sottise, point d'exaction d'aucune façon ".

Président de la Fédération des artistes, élu maire du 6e arrondissement, Courbet fut associé aux décisions du premier pouvoir des travailleurs. A son initiative, une Commission des artistes se plaça "sous le protectorat de la Commune", selon son expression. Dans un vibrant appel aux artistes, publié par le Journal officiel de la Commune, Courbet déclarait : " J'en appelle à leur intelligence, à leur sentiment, à leur reconnaissance ". Un Comité travailla d'arrache pied pour ébaucher la tâche gigantesque qu'il s'était fixée : "La conservation des oeuvres du passé, la mise en oeuvre et en lumière de tous les éléments du présent, la régénération de l'avenir par l'enseignement." L'enthousiasme était immense.

Comme bien d'autres Communards, Courbet ne prévoyait pas le bain de sang que préparait méthodiquement la bourgeoisie. "Dans nos moments de loisir, nous combattons les saligots de Versailles ". " Chacun y va à son tour ", poursuit-il dans une lettre à ses parents du 30 avril, trois semaines avant que les Versaillais commencent à entrer dans Paris.

Au cours de la semaine sanglante, Courbet échappa au massacre en se cachant mais il fut arrêté à la suite d'une dénonciation et accusé d'avoir été l'instigateur de la chute de la colonne Vendôme, en haut de laquelle trônait une statue de Napoléon 1er. En septembre 1870, Courbet s'était effectivement adressé au gouvernement républicain pour lui demander de "déboulonner" ce symbole de l'esprit de conquête de l'Empire. La Commune exécuta ce voeu.

Condamné à six mois de prison par le conseil de guerre, il échappa de peu au sort de ses codétenus, dont certains furent condamnés à mort et d'autres à la déportation, en Nouvelle-Calédonie. Du temps de son emprisonnement à Versailles puis à la prison Sainte-Pélagie à Paris, l'exposition nous montre un cahier ouvert à une page de dessin au fusain témoignant de la répression.

La première toile présentée à l'exposition est un autoportrait, près d'une fenêtre à gros barreaux de fer, un foulard rouge noué autour du cou. Il conserve l'énergie de peindre. L'inspiration lui est fournie par les souvenirs mais aussi par fruits et fleurs que sa soeur lui apporte quand elle lui rend visite.

Ces magnifiques petits tableaux exposés témoignent de la sensibilité de Courbet, intacte et renouvelée, tableaux qu'il signe en inscrivant à côté de son nom " 71, Sainte-Pélagie ", flanqué d'une inscription latine peinte en rouge qui signifie : "fait dans les chaînes".

En 1873, un tribunal voulut lui faire payer les frais de la reconstruction de la Colonne Vendôme. Pour échapper à la prison pour dettes, Courbet passa la frontière suisse. Le rétablissement de la Colonne Vendôme fut, avec la construction de la basilique du Sacré Coeur, l'affirmation monumentale du pouvoir reconquis par la bourgeoisie, au prix du sang et de la déportation de dizaines de milliers de combattants de la Commune. Courbet en partagea la défaite et termina sa vie peu après.

Il nous reste aujourd'hui l'artiste admirable, qui fut libre dans son art et dans son choix social.

Partager