Parlement européen : Strasbourg ne fait pas un tabac...23/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1667.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Parlement européen : Strasbourg ne fait pas un tabac...

Ecourtée par le lundi de Pentecôte, la session du Parlement européen, qui s'est tenue à Strasbourg du 13 au 16 juin, a, entre autres choses, décidé... d'écourter toutes ses sessions strasbourgeoises à dater du 1er janvier 2001.

Mine de Rhin...

En effet Bruxelles (où s'effectue le gros de l'activité parlementaire) et Strasbourg (siège officiel du Parlement) se livrent une guéguerre par députés interposés. Chaque mois, pour une semaine, des centaines de députés et des milliers de fonctionnaires européens doivent se rendre dans la capitale alsacienne avec ce qui est nécesaire à leur activité. Et cela n'a rien d'évident, tant les liaisons entre Strasbourg et Bruxelles sont peu pratiques, et encore moins celles avec les villes d'où viennent la majorité des députés. Comme bien des choses au sein de l'Union européenne, cette situation est le résultat de tractations entre les principaux Etats du continent. D'où un saupoudrage des institutions communautaires entre eux (et, pour le seul Parlement européen, son éclatement entre Bruxelles et Strasbourg, sans parler de certains services situés à Luxembourg) qui vise à ménager les susceptibilités des uns et des autres.

Depuis plusieurs mois, nombre de députés disparaissaient le dernier jour de la session en invoquant des problèmes (réels ou non) de transport, tandis que d'autres restaient pour faire constater que le quorum n'était pas atteint lors des votes du vendredi et, donc, leur nullité.

Lors du vote sur cette question, sur 537 des 626 députés européens présents, une majorité (377 pour, 232 contre et 28 abstentions dont les députés de Lutte Ouvrière et de la LCR) a décidé d'amputer les sessions strasbourgeoises de leur vendredi en 2001. Mais sans attendre, dès vendredi 16 juin, même les élus (dont la plupart des Français) ayant affiché leur volonté de le maintenir n'étaient pas tous là : de 188 en début de séance, on tomba à 69 députés (dont ceux de Lutte Ouvrière) lors du dernier vote.

Cela pourrait faire sourire si cette décision ne risquait d'avoir des conséquences pour tout ou partie du nombreux personnel vacataire, de sous-traitance et autres auxiliaires de session que le Parlement européen recrute sur place avec des salaires déjà fort réduits. Devant le risque que le passage de cinq à quatre jours de travail se traduise par une réduction de 20 % du salaire de centaines de ces employés, les députés de Lutte Ouvrière et de la LCR ont aussitôt adressé à la présidente du Parlement européen, Nicole Fontaine, une lettre affirmant entre autres ceci :

" Il n'y a évidemment aucune raison que cette catégorie du personnel, dont les salaires sont déjà extrêmement bas, ait à souffrir d'une décision du Parle-ment sur une question qui ne les concerne pas directement et sur laquelle ils n'ont aucune prise. Nous vous prions, en conséquence, de veiller, tout au long de la procédure envisagée, à ce que toute perte de salaire leur soit intégralement compensée ".

Contre les va-t-en guerre

Cette session a également adopté un rapport de l'ex-ministre radicale de gauche française et membre du groupe socialiste européen, Catherine Lalumière, sur la mise en place d'une politique commune en matière de défense et de sécurité. Si, dans la foulée de leur soutien à la sale guerre de l'OTAN en Serbie, l'an dernier, la plupart des députés européens ont adopté ce rapport (et les Verts n'ont pas fait exception, qui l'ont soutenu par 23 voix, dont celles de Cohn-Bendit et de Lipietz, 19 contre et 3 abstentions, la n° 2 de la liste de Robert Hue, Geneviève Fraisse, faisant de même), nos députées se sont bien évidemment élevées contre ce rapport et ce qu'il prévoit (voir, ci-contre, l'explication de vote lue par notre camarade Arlette Laguiller).

Par ailleurs, lors de cette session, nos députées ont également tenu à protester, avec d'autres, contre l'interpellation musclée à Bruxelles, le week-end précédent, de manifestants qui s'opposaient à la tenue du sommet de l'UNICE (une sorte de confédération patronale européenne) avec la participation de commissaires européens (voir LO n° 1666).

Ecran de fumée

Comme nous l'avions déjà signalé dans le précédent Lutte Ouvrière (n° 1666), la venue en discussion, puis au vote d'un rapport sur " la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac " a donné lieu à une intense campagne de lobbying des firmes de cigarettes. Les députés ont été abreuvés de plaquettes luxueuses (telle celle de France Tabac, vantant le tabac présenté comme... " facteur de création d'emplois ") ainsi que de fax et lettres leur indiquant quels amendements (soutenus par les fabricants de tabac) ils auraient dû voter.

En définitive, cela n'a pas empêché une majorité de députés - et certains ont tenu à rappeler qu'ils le faisaient au nom de considérations de santé alors qu'on ne pouvait pas les suspecter d'" hostilité aux entreprises " - de voter les grandes lignes de ce rapport. Malgré sa timidité (et le fait que le dernier mot, comme dans bien des cas au Parlement européen, revient aux Etats, et en l'occurrence à ce que va décider, le 29 juin, un Conseil des ministres européens de la Santé), ce rapport prévoit d'augmenter sensiblement la surface des paquets de cigarettes et de tabac consacrée à avertir les consommateurs de l'extrême nocivité de cette drogue (voir ci-contre, l'explication de vote des députées européennes de Lutte Ouvrière).

Vous avez dit "droits sociaux" ?

Enfin, à l'occasion de l'adoption, durant cette session, du " 16e rapport annuel sur le contrôle de l'application du droit communautaire ", on pouvait trouver, dans la présentation du texte, le paragraphe suivant, qui vaut plus que de longs discours pour éclairer le fonctionnement des institutions communautaires, et les intérêts sociaux qu'elles défendent :

" Politique sociale. En cette matière on peut s'inquiéter que seulement 64,5 % des directives (européennes) soient transposées (dans leurs législations nationales des Etats membres), sur les 54 qui sont entrées en vigueur. Si l'on tient compte également des lacunes qui peuvent intervenir sur le plan qualitatif et notamment au niveau des pratiques administratives défaillantes, la situation est préoccupante. On peut s'étonner que la Commission n'ait, dès lors, qu'une seule fois, en matière sociale, eu recours à la demande d'astreinte de l'article 228 ".

Ce qui donne tout son sel à ce constat, c'est que, de surcroît, les directives européennes en matière sociales sont extrêmement rares et ménagent le patronat au moins autant que les textes adoptés par les différentes Parlements nationaux...

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