Voter la loi Guigou, c'est dire oui aux licenciements08/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1718.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Voter la loi Guigou, c'est dire oui aux licenciements

Trois jours après la manifestation du 9 juin, on a appris qu'un accord avait été trouvé entre le Parti Communiste et le Parti Socialiste. Finalement, moyennant quelques amendements, les députés du PCF s'apprêtaient à voter la loi Guigou, cette même loi pour laquelle ils avaient annoncé il y a deux semaines leur intention de voter contre, ce qui avait amené le report du vote de l'Assemblée.

Cette loi, même amendée, n'empêchera pourtant pas un seul licenciement "boursier", ou plus généralement économique, de la part des entreprises qui font des profits énormes, ou de celles qui affichent de moins bons résultats, mais dont les actionnaires sont déjà immensément riches par ailleurs (quand ces actionnaires ne sont pas tout simplement d'autres sociétés, qui elles font des profits).

La seule obligation que prévoit la loi Guigou pour une direction qui veut licencier, c'est de permettre au comité d'entreprise de discuter ce qu'on appelle hypocritement un "plan social" (en fait un "plan anti-social"). Mais est-ce que le comité d'entreprise pourra s'opposer à ce plan ? Bien sûr que non. Il pourra juste en discuter les modalités. Car en cas de désaccord, comme d'habitude, c'est la position patronale qui prévaudra.

Robert Hue a déclaré que les discussions avec le gouvernement continuent, mais qu'en l'état, le PCF ne votera pas cette loi. Est-ce que cela veut dire que les députés du PCF se contenteront de s'abstenir, ou qu'ils voteront contre pour obliger le gouvernement à la remettre en chantier ?

Il est pourtant scandaleux que des actionnaires immensément riches, que des grandes sociétés, pour faire encore plus de bénéfices, et faire monter leurs actions en Bourse, licencient des centaines, voire des milliers de salariés. Des salariés qui ont parfois 10 ans, 20 ans ou 30 ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui se retrouvent sans rien, alors qu'ils ont contribué pendant des années à enrichir des actionnaires qui les jettent comme on se débarrasse d'un kleenex usagé.

Le monde du travail ne peut pas accepter cette menace permanente.

Ce n'est pas du gouvernement socialiste qu'on peut attendre l'interdiction de telles pratiques, de tels licenciements. Guigou et ses collègues prétendent qu'il est impossible d'interdire les licenciements, que ce serait paralyser les entreprises. Mais ce n'est qu'un mensonge et une hypocrisie de plus.

Diminuer les profits des actionnaires, ce n'est pas paralyser les entreprises. Par contre, ceux qui ferment des entreprises et jettent des travailleurs à la rue ne les paralysent pas, ils les assassinent.

Mais l'interdiction des licenciements, ce n'est pas le gouvernement, qu'il soit socialiste ou de droite, qui l'imposera.

Interdire les licenciements, c'est possible. Mais ce sont les travailleurs eux-mêmes qui devront le faire. Tous les travailleurs.

Les travailleurs peuvent contrôler les comptes des entreprises, vérifier la manière dont elles fonctionnent, réquisitionner les bâtiments, les machines et les usines et les faire fonctionner à prix coûtant. Car ce que veulent les travailleurs, c'est un salaire. Ils n'ont pas besoin de faire des bénéfices en plus.

Bien sûr, si cela ne se faisait que dans une seule entreprise, ce ne serait pas possible. Mais si cela se passe dans des milliers d'entreprises du pays, et met en branle deux ou trois millions de travailleurs, tout cela deviendra possible.

C'est pourquoi, lors de l'élection présidentielle de 1995, j'ai dit durant toute la campagne que pour éviter de voir les travailleurs de plus en plus soumis aux diktats des marchés financiers, il fallait un plan d'urgence qui, entre autres, interdise les licenciements dans toutes les grandes entreprises, en particulier dans celles qui osent vouloir le faire alors qu'elles affichent des profits, et cela sous peine de réquisition par les travailleurs.

Partager