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Dans les entreprises
Infirmières : Pénurie ? vous avez dit pénurie ?
La ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Guigou, devrait préciser en septembre les mesures annoncées pendant le mois d'août pour remédier à ce que la presse appelle "la pénurie d'infirmières".
Il est question de mesures pour inciter des infirmières ayant abandonné le métier à revenir dans les établissements de santé, et d'une convention avec l'Espagne pour permettre le recrutement d'infirmières de ce pays dans des établissements de santé en France.
Cette pénurie est évoquée dans les établissements hospitaliers depuis plus d'un an par certaines directions d'établissements, qui assurent avoir du mal à recruter. Apparemment, cette difficulté est remontée jusqu'au ministère : à la suite du mouvement dans les hôpitaux de la fin 1999 - début 2000, Aubry, la ministre d'alors, annonçait une remontée de 40 % des quotas d'admission autorisés dans les Instituts de formation en soins infirmiers, les IFSI, nouveau nom des anciennes écoles d'infirmières : 26 436 places pour 2000, soit 8 000 de plus qu'en 1999.
Un recrutement volontairement limité
L'entrée dans les IFSI est en effet un concours, ce qui veut dire que, chaque année, c'est le ministère qui détermine le nombre d'étudiants qui peuvent suivre les études, et donc passer le diplôme, au bout d'un peu plus de trois années d'études (38 mois).
Ce quota avait sérieusement baissé dès 1993 jusqu'en 1999, et il est évident que cette "pénurie" trouve là sa principale explication.
Mais si les quotas ont été remontés, cela ne se traduira par l'arrivée d'infirmières diplômées que dans, au minimum, un peu plus de trois ans.
Cette pénurie n'est pas la première du genre puisque, dans les années 1980, le même phénomène s'était produit, pour les mêmes raisons. Car le gouvernement veut limiter au maximum le nombre de personnels infirmiers : c'est vrai quel que soit d'ailleurs le secteur où elles travaillent. Depuis 1991 par exemple, l'installation en tant qu'infirmière libérale n'est possible qu'après trois années d'exercice dans un établissement de santé. Et une fois installée, l'infirmière a un quota annuel individuel d'actes infirmiers qui lui est imposé par l'assurance maladie et qu'elle ne peut pas dépasser.
Cela veut dire que, même si le gouvernement se dit préoccupé par la pénurie d'infirmières, ce n'est pas pour augmenter durablement les effectifs de cette profession, c'est uniquement pour trouver de manière temporaire un peu plus d'infirmières par rapport aux dépenses d'assurance maladie qu'il veut bien autoriser.
Cette pénurie, d'ailleurs, les établissements en parlent beaucoup, mais au-delà des difficultés que certains rencontrent, il s'agit aussi d'une formule passe-partout que les directeurs mettent en avant pour imposer des changements d'horaires, des repos décalés, des changements au pied levé dans un autre service, etc. Il y a quelques années, les pratiques étaient les mêmes, mais les directeurs expliquaient alors que c'était parce qu'il "n'y avait pas de budget et que l'hôpital n'avait pas d'argent pour embaucher".
Des mesures au coup par coup
Dans certains hôpitaux de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, des infirmières continuent d'être recrutées sous contrat à durée déterminée de trois mois, et non pas comme fonctionnaires hospitaliers.
De même, des aides-soignantes qui voudraient entrer en IFSI peuvent passer le concours depuis l'année dernière avec un examen particulier... mais très peu peuvent être payées pendant les trois années d'études. Ainsi, des aides-soignantes réussissent le concours d'entrée en IFSI, et ne peuvent pas suivre la formation, faute de moyens financiers.
La presse s'est fait l'écho du recrutement dans une clinique d'infirmières espagnoles, qui peuvent espérer des salaires moins bas en France, tout comme des infirmières françaises de l'est de la France vont travailler tous les jours en Suisse, en Allemagne ou au Luxembourg, parce que les salaires y sont plus élevés... surtout si on ne vit pas dans ces trois pays. Guigou parle d'un millier de recrutements de ce type, ce qui est dérisoire par rapport aux besoins.
Cette "pénurie", le gouvernement n'est donc pas près d'y remédier au long cours. Il se contente de mesures limitées et temporaires, mais dès que le nombre d'infirmières en activité sera suffisant par rapport aux budgets des établissements, tout cela sera fini. Avant la "pénurie" dont parlent les journaux, les effectifs étaient déjà insuffisants, mais satisfaisants pour le ministère. Depuis 1998, le gouvernement a même créé une "prime au départ volontaire" pour inciter à la démission des personnels hospitaliers... prime dont un certain nombre d'infirmières ont bénéficié pour quitter leur établissement et parfois la profession.
Et dans les établissements de santé il n'y a pas que des infirmières : pour toutes les autres catégories de personnels, qui représentent près de la moitié des effectifs, il est toujours question de blocage de l'embauche, voire même de réductions d'effectifs, comme pour les personnels ouvriers par exemple ou encore les personnels des laboratoires.
La pénurie d'infirmières par rapport au budget, c'est le gouvernement qui l'a organisée.
Quant à la pénurie de personnels dans les hôpitaux, infirmières, aides-soignants, secrétaires médicales, personnels administratifs, ouvriers, personnels des laboratoires ou des pharmacies, par rapport aux besoins de la société, le gouvernement continue de l'organiser.