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Argentine : La crise est catastrophique
Lundi 29 octobre, la Bourse de Buenos Aires a connu une nouvelle chute spectaculaire de 8,7 %. Dans les classements que réalisent les établissements financiers qui spéculent dans le monde entier, l'Argentine est désormais au même niveau de risque que le Nigeria. Cette nouvelle chute de la Bourse, c'est la manière dont les entreprises et les établissements financiers qui spéculent sur le marché argentin ont salué le retour du ministre de l'Economie, Domingo Cavallo, revenant les mains vides d'une rencontre avec le Fonds Monétaire International dans l'espoir d'obtenir un nouvel aménagement de la dette qui étrangle l'économie argentine en pleine récession depuis trois ans.
La situation est grave. La récession frappe maintenant l'appareil de production et, dans tous les secteurs industriels, on assiste à un recul brutal, par exemple dans l'industrie automobile ou dans un secteur comme l'alimentation, qui traditionnellement fonctionnait plutôt bien et ne produit plus qu'à la moitié de ses capacités. Dans plusieurs secteurs, la production a reculé de 20 % en un seul mois.
La défaite politique, qu'a essuyée le parti du président De la Rua, l'Union radicale, lors de la récente élection où l'on renouvelait une partie des députés et des sénateurs, alimente les spéculations sur son avenir politique.
En tardant à faire connaître ses intentions sur le plan économique vis-à-vis de la crise en cours, le gouvernement a alimenté la spéculation. Mais on comprend sa prudence car il n'avait à proposer qu'un nouveau plan d'austérité pour les classes pauvres. Le président De la Rua a annoncé qu'il entendait maintenir le cap du "déficit zéro", c'est-à-dire que les pouvoirs publics ne dépensent, en théorie, que l'argent qu'ils ont en caisse. Pour tenter de séduire les porteurs de capitaux, il propose diverses mesures comme une restructuration de la dette. Il garde le cap, mais étant donné le niveau atteint par la détresse sociale, il propose diverses mesures d'accompagnement social, censées relancer la consommation qui s'est effondrée (les hypermarchés Carrefour très implantés ont vu leur chiffre d'affaires baisser du quart). Le montant des cotisations prélevées sur les salaires pour les retraites va baisser de 11 % à 5 %. Les frais financiers sur l'usage des cartes bancaires vont diminuer. Le système d'allocations familiales va être révisé pour offrir une somme d'argent de 30 pesos par mois et par enfant pour les chômeurs et les travailleurs gagnant moins de 1 000 pesos par mois (environ 7 500 F par mois, beaucoup de travailleurs ne gagnent que la moitié de cette somme). Les plus de 75 ans toucheront désormais un minimum vieillesse de 100 pesos par mois (environ 750 francs). Le patronat n'est pas oublié à qui on va faire des ristournes fiscales (ce qu'il s'octroie souvent lui-même en fraudant le fisc). Enfin, une politique de grands travaux va être lancée. Elle est d'autant plus indispensable que plusieurs régions viennent d'être ravagées par des inondations très graves.
Si, au lendemain de sa défaite électorale, le président De la Rua prend des gants, il a toujours en tête d'accentuer l'austérité. Ses ministres discutent ouvertement de baisser à nouveau les salaires du secteur public et les pensions. D'autre part, est également envisagée la suppression de l'aguinaldo, un équivalent du treizième mois, obtenu pendant la période péroniste, il y a plus d'un demi-siècle. Une mesure qui pourrait soulever la colère ouvrière, mais qui ravirait le patronat.
Les relations entre le gouvernement et les provinces sont au plus bas. Les gouverneurs, majoritairement péronistes, ont renforcé leur position lors des élections. Et le gouvernement n'est pas en mesure de leur verser l'argent nécessaire à leur budget.
Pour faire face à ses échéances financières, le gouvernement envisage d'obtenir un nouveau rééchelonnement de ses dettes, payées au prix fort, auprès des banquiers du monde entier.
Ces solutions sont celles d'un commis dévoué aux intérêts de l'oligarchie terrienne, l'aile la plus conservatrice du patronat, en même temps qu'aux banquiers. Mais pourquoi la population devrait-elle payer pour le luxe des classes riches, pour leurs spéculations, leurs évasions de capitaux vers les places financières où elles feront le plus de profit, fût-ce au prix de l'écroulement de la monnaie et de l'économie argentines ? La population pauvre n'a pas à reconnaître les dettes accumulées par la bourgeoisie argentine et qu'elle veut maintenant faire payer à tout le pays.
Et, pour arrêter la dégradation accélérée des conditions de vie de la classe ouvrière et de la population pauvre, il est urgent de prendre sur les profits, le patrimoine et la richesse accumulés depuis des années par les classes riches.