À la faïencerie de Vitry-le-François.05/04/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/04/une1758.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

À la faïencerie de Vitry-le-François.

Face à l'irresponsabilité des actionnaires, la réquisition de l'entreprise s'impose

Réquisitionner les entreprises qui licencient, à commencer par celles qui font des profits, pour les salariés de Sarreguemines Bâtiment, autrement dit la faïencerie de Vitry-le-François, cette mesure serait la seule qui garantirait leur avenir. En effet, suite au dépôt de bilan de cette entreprise en janvier dernier, ils risquent de se retrouver tous au chômage dans les mois qui viennent alors que rien, sinon les choix d'une famille de capitalistes, ne justifie la fermeture de l'usine et la suppression des emplois.

Cette entreprise de 400 salariés fabrique des sanitaires (douche, WC) depuis des dizaines d'années. Bon nombre de salariés ont d'ailleurs commencé à y travailler à 16 ans. L'entreprise appartient depuis plusieurs années à un groupe, FSDV (Faïenceries de Sarreguemines, Digoin, Vitry-le-François), coté en Bourse au premier marché et dirigé par un capitaliste de 80 ans et par sa fille qui sont les principaux actionnaires, dans un conseil d'administration où figure par exemple le PDG des bijoux Cartier.

Ces actionnaires se sont enrichis sur le dos des salariés. En même temps que l'on annonçait, en décembre 2001, le dépôt de bilan de Sarreguemines Bâtiment, on versait aux actionnaires des dividendes pour l'année 2001, comme chaque année !

Aucun chiffre permettant de connaître la situation n'a été communiqué aux salariés, aux syndicats, ni même à la chambre de commerce. L'entreprise a prétexté la défaillance du nouveau logiciel informatique, pourtant payé 18 millions de francs, pour ne pas donner de bilan annuel. Ainsi, en toute illégalité, le dernier bilan disponible au greffe du tribunal de commerce de Paris remonte à 1996 !

Aucune explication n'a été donnée aux salariés sur ce dépôt de bilan par la direction. Il n'y a eu aucune baisse dans ce secteur. La production n'a pas chuté, au contraire : même après le dépôt de bilan, depuis février 2002, la direction fait travailler un samedi sur deux.

En fait, la famille actionnaire a considéré qu'elle pouvait faire plus d'argent en se débarrassant de l'activité sanitaire et carrelages. Alors, d'un revers de main, elle décide de fermer l'usine sans même prendre la peine de rechercher un repreneur. Et la loi est ainsi faite que ces actionnaires n'ont aucun compte à rendre. L'entreprise a été placée sous administration judiciaire, en attendant un éventuel repreneur.

La désinvolture avec laquelle les actionnaires se débarrassent de l'usine a été dénoncée par le bulletin Lutte Ouvrière, ainsi que par le syndicat Force Ouvrière de l'entreprise, avant même que cette décision soit officielle. Aujourd'hui, le directeur de l'entreprise vient de le confirmer. Apparemment mécontent de la façon dont il a été traité par les actionnaires, il se plaint dans le journal local en ces termes : " Gilbert Fénal (l'actionnaire principal) a laissé faire sans prendre le taureau par les cornes " . Alors que leur plan initial prévoyait la " recherche d'un partenaire pour produire la partie économique " , le président n'a pas vraiment mis du sien pour rechercher un partenaire. " La première fois que je l'ai vu, le président m'a dit qu'il ne faisait pas de contrat écrit car ce n'était pas dans l'esprit de sa maison, alors il n'a jamais voulu s'engager avec un sous-traitant. Depuis novembre, il n'est pas revenu à l'usine et quand je lui parle de l'usine de Vitry il me dit de voir avec l'administrateur judiciaire " .

Eh oui, les actionnaires sont aux abonnés absents. Mais cela n'empêche pas l'usine de fonctionner, les sanitaires d'être produits et de continuer à se vendre.

Il n'y a donc aucune raison que cette usine ferme. Des sanitaires, il y en aura toujours besoin. Les ouvriers, les employés et beaucoup de cadres savent que c'est leur travail qui a fait vivre les actionnaires et non l'inverse.

Il serait plus que légitime que l'on exige de rendre publique toute la comptabilité passée. On pourrait voir alors la façon dont les actionnaires se sont enrichis au détriment de l'entreprise. Il serait justifié ainsi que l'on exige de continuer l'activité de l'usine, que ces sommes, cet enrichissement passé des actionnaires soient réquisitionnés pour permettre de garantir l'emploi et le salaire des ouvriers.

Par les miracles de la comptabilité, l'ensemble des terrains et bâtiments de l'usine de Vitry-le-François appartiennent maintenant au holding FSDV qui n'a aucune activité propre et l'entreprise, prétendument déficitaire, continue de payer un loyer à FSDV. Il serait donc normal de réquisitionner ces terrains, dont certains ont d'ailleurs été fournis par la mairie.

L'usine est provisoirement sous contrôle d'un administrateur judiciaire, qui vérifie tous les chèques, tous les mouvements de capitaux dans l'intérêt de l'État et des fournisseurs, c'est-à-dire d'autres capitalistes et banquiers. Pourquoi les travailleurs n'auraient-ils pas le droit d'exercer le même contrôle ?

Après avoir réquisitionné les profits et dividendes passés, on aurait de quoi financer les investissements nécessaires à la continuation de l'activité et même à la modernisation de l'entreprise, complètement laissée à l'abandon, ce qui s'est répercuté gravement sur les conditions de travail. On pourrait alors produire et vendre à prix coûtant, afin de payer des salaires et des conditions de travail corrects à tous les salariés, tout en restant concurrentiel.

Voilà des mesures de bon sens, applicables immédiatement. Il faudrait certes un tout autre rapport de force pour les imposer, non seulement à l'usine mais dans tout le pays. Mais, à montrer leur irresponsabilité et leur profonde inutilité, des capitalistes comme ceux de la Faïencerie se chargent d'en convaincre les salariés.

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