Nombreux sont ceux qui ont été, à juste titre, choqués de la libération de Papon. C'est officiellement pour raisons médicales qu'il a été remis en liberté : " Impotence pratiquement complète et grabatairisation ", indique un des rapports des experts médicaux. Ce qui signifie littéralement l'impossibilité de quitter le lit. Ce n'était pas le cas. Papon est sorti de la prison sur ses deux jambes et les témoignages de ses gardiens et codétenus le présentent plein de vie, épluchant ses dossiers. L'ancien fonctionnaire de Vichy n'a pas été jusqu'à faire un bras d'honneur aux manifestants, comme Pinochet, mais son apparition et sa libération ont été ressentis comme une provocation.

La loi dite " Kouchner ", qui a permis sa remise en liberté, a été adoptée en mars 2002. Elle était destinée à permettre aux détenus incurables, par exemple malades du Sida ou du cancer, de finir leur vie hors de prisons qui ne disposent ni des moyens, ni de la volonté de les assister médicalement. Alors que chaque semaine meurent en cellule des détenus malades, il est significatif que Papon ait été l'un des premiers prisonniers libérés, au nom de cette loi.

Ancien préfet, ancien ministre, ancien patron, il a fait toute sa carrière dans les hautes sphères. Cela lui a valu suffisamment de relations.

Il a bénéficié de cette solidarité sociale, morale, intellectuelle, et dans certains cas politique, avec une clémence qui est refusée à d'autres, dans des situations pires que la sienne.

Les Juifs déportés et assassinés pendant la guerre, les Algériens massacrés en 1961, les militants communistes assassinés à Charonne n'ont, eux, jamais eu droit à la même bienveillance.