Côte-d'Ivoire : Les troupes françaises au secours de Gbagbo11/10/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/10/une1784.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Côte-d'Ivoire : Les troupes françaises au secours de Gbagbo

En Côte-d'Ivoire, dix jours après la mutinerie d'une partie de l'armée, le projet de cessez-le-feu préparé sous l'égide des représentants d'États de l'Afrique de l'Ouest a été repoussé par le gouvernement. En faisant mine de vouloir négocier, le gouvernement de Gbagbo a surtout voulu gagner du temps pour préparer une offensive militaire contre Bouaké, deuxième ville du pays et bastion des rebelles.

Il est d'ailleurs significatif que les armes et les munitions destinées aux forces armées gouvernementales aient été acheminées via l'aéroport de Yamoussoukro, que les forces françaises, déployées une fois de plus au nom d'une intervention humanitaire, avaient mis hors d'atteinte des rebelles. Car si le gouvernement français a, dans un premier temps, fait semblant de ne pas vouloir s'immiscer dans les affaires intérieures de la Côte-d'Ivoire, il a bel et bien choisi son camp. " La France ne laissera pas faire une déstabilisation de la Côte-d'Ivoire ", a déclaré un représentant du gouvernement français pour justifier l'aide militaire apportée au régime. Les troupes françaises n'avaient d'ailleurs pas attendu ces propos pour pointer leurs canons en direction des mutins.

De Bouygues à Bolloré, en passant par les grandes banques et les groupes agro-alimentaires, les trusts français ont trop d'intérêts en Côte-d'Ivoire pour que l'État français reste inactif. D'autant que, depuis le début du conflit, les rebelles ont gagné du terrain, étendant leur influence à tout le nord du pays.

Pendant ce temps, à Abidjan, capitale économique du pays, les tensions s'accentuent. Les forces armées et des groupes de jeunes extrémistes s'en prennent de plus en plus souvent aux immigrés, principalement à ceux issus du Burkina Faso qui constituent la moitié de la population étrangère vivant dans le pays. Ces tensions ethniques sont alimentées par le gouvernement de Gbagbo et ses alliés ainsi que par une partie de la jeunesse estudiantine et certains intellectuels qui font des immigrés burkinabés, et plus généralement des populations vivant au nord du pays, dans les zones limitrophes du Burkina, les boucs émissaires de la situation actuelle.

On a pu ainsi entendre le présentateur de la télévision d'État déclarer : " Pourquoi la Côte-d'Ivoire, qui est en temps de guerre, ne mettrait pas dehors ceux qui sont principalement à la base de nos malheurs ? Il suffirait tout simplement d'expulser vers le Burkina ne serait-ce que 500 000 Burkinabés pour que le chef du "pays des hommes intègres" (Blaise Compaoré, chef du gouvernement burkinabé), chef actuel de la guerre contre la Côte- d'Ivoire, et ses suppôts comprennent bien le rôle de la Côte- d'Ivoire ".

Ces propos xénophobes, qui désignent les " non-Ivoiriens ", et plus particulièrement les Burkinabés, à la vindicte populaire, ne sont pas nouveaux. Ils constituent le fonds électoral de tous les dictateurs qui, de Konan Bédié à Laurent Gbagbo, en passant par le général Guéï, se sont succédé au pouvoir depuis dix ans.

Cette politique qui consiste à jouer sur les divisions ethniques, tribales et religieuses, est lourde de dangers, dans ce pays qui compte une soixantaine d'ethnies et près de quatre millions d'immigrés. D'autant que si la Côte-d'Ivoire, qui dispose d'importantes ressources, a pu un temps profiter d'une relative prospérité économique, elle s'est depuis enfoncée dans le marasme, le chômage et la misère.

En mobilisant ses troupes contre " les étrangers ", le gouvernement de Gbagbo pourrait bien faire déboucher le conflit actuel sur une guerre civile, comme cette région en a connu et en connaît encore de nombreux exemples. Quant à l'État français, du Rwanda au Congo, il a une longue histoire de complicité dans ces massacres.

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