- Accueil
- Lutte ouvrière n°1784
- Grande-Synthe (Nord) : Le racisme a tué
Leur société
Grande-Synthe (Nord) : Le racisme a tué
C'est vendredi 4 octobre vers 21h15 que Mohamed Maghara, un jeune homme de 17 ans, a été tué à Grande-Synthe, dans la banlieue de Dunkerque, d'un coup de fusil de chasse à bout portant. L'assassin qui était descendu de sa voiture avait visé un groupe de jeunes Arabes qui discutaient devant un café. Trois quarts d'heure auparavant, à quelques kilomètres de là, il avait tiré sur des consommateurs d'un café tenu par un Maghrébin, faisant déjà trois blessés. Il s'agit de crimes prémédités, le meurtrier avait enlevé les plaques d'immatriculation de son 4x4 et il s'était grimé pour n'être pas reconnu. Arrêté dimanche, il a avoué ses motivations racistes.
On nous dit aujourd'hui que c'est un homme ordinaire. Mais pour qu'un " homme ordinaire " ait la détermination dont il a fait preuve pour commettre ses forfaits racistes, il faut qu'il se sente soutenu, justifié par des préjugés, un climat anti-immigrés solidement ancré dans la société et venant de plus haut que lui.
Autour de Dunkerque, comme ailleurs, cela fait longtemps que les partis d'extrême droite, FN et MNR, accusent les travailleurs immigrés d'être responsables du chômage et de la délinquance. Ces partis réalisent des scores électoraux importants. Le second tour de l'élection législative de juin 2002 a opposé un responsable socialiste à une candidate FN inconnue. A Grande-Synthe, elle a recueilli 33 % des suffrages exprimés.
En fait, dans cette ville ouvrière de 24 000 habitants qu'est Grande-Synthe, les travailleurs immigrés et leurs enfants sont victimes du chômage comme tous les travailleurs. Grande-Synthe a grandi et s'est complètement transformée dans les années 1960, en particulier avec la création du complexe sidérurgique d'Usinor pour lequel de nombreux ouvriers immigrés sont venus travailler. Depuis il y a eu la fermeture des chantiers navals dans les années 1980. Et si la région de Dunkerque demeure l'une des plus grandes zones industrielles du pays, il y a de moins en moins de travail parce que, comme partout, les patrons de la sidérurgie ou de la chimie suppriment des emplois ou les rendent précaires pour faire plus de profit.
Pour cela, les patrons ont eu le soutien pendant cinq ans du gouvernement de la gauche plurielle, comme ils l'ont aujourd'hui du gouvernement de droite.
Plus de 40 % des jeunes de 20 à 24 ans sont ainsi au chômage dans les villes de la banlieue ouest de Dunkerque.
Le terreau du racisme est constamment alimenté par ce chômage massif et toutes les démagogies anti-immigrés. Le gouvernement de droite diffuse avec toute la force des pouvoirs politiques et médiatiques l'amalgame mensonger entre jeunes, arabes, insécurité et terrorisme. Un amalgame, particulièrement meurtrier, comme on le voit encore aujourd'hui.
L'assassinat de Mohamed a provoqué la stupeur, l'émotion, l'indignation et la colère parmi toute une partie des habitants de Grande-Synthe et des environs. Samedi 5 octobre, une manifestation de cinq cents personnes a été improvisée par des jeunes à Grande-Synthe depuis le café devant lequel a eu lieu le meurtre, jusqu'à la petite maison habitée par la famille de Mohamed. C'est l'imam de la mosquée qui a pris la parole en tentant d'apaiser les sentiments de révolte des jeunes.
Lundi 7, plusieurs centaines de lycéens - dont ceux du LP Benjamin Morel de Dunkerque où Mohamed était élève - ont manifesté devant le Palais de justice de la ville au moment où l'assassin devait être amené devant le juge d'instruction. Quand des manifestants ont poussé un peu pour passer les barrages, la police a répliqué avec des gaz lacrymogènes et a repoussé violemment les présents. C'est alors que des affrontements ont commencé entre les jeunes et la police.
Mardi 8, une nouvelle manifestation de lycéens s'est déroulée en ville. " Plus jamais cela " disent les jeunes. Pour cela il faut non seulement combattre implacablement le racisme assassin, le chômage et la misère qui en sont le terreau, mais aussi la société capitaliste qui engendre ces catastrophes sociales et humaines.