- Accueil
- Lutte ouvrière n°1784
- Irak, Côte-d'Ivoire... Ces guerres qu'on fait payer aux classes populaires
Editorial
Irak, Côte-d'Ivoire... Ces guerres qu'on fait payer aux classes populaires
La crise qui secoue depuis quelques semaines la Côte-d'Ivoire peut apparaître lointaine. La télévision rapporte des images d'une rébellion militaire, et on fait état de la mort de plusieurs centaines de personnes, des civils surtout. Parfois, on nous montre aussi comment, dans la ville principale, Abidjan, le gouvernement officiel qui se prétend socialiste fait déguerpir - c'est le mot utilisé là-bas - des bidonvilles entiers de pauvres sous prétexte que leurs habitants sont originaires du pays voisin, le Burkina, ou du nord du pays dont on accuse les habitants de prendre fait et cause pour les rebelles.
Oui, la Côte-d'Ivoire et ses drames apparaissent lointains, comme apparaît lointaine la pauvreté qu'on entrevoit dans les images. Et pourtant, ce qui s'y passe nous concerne très directement. Car l'armée française, présente en permanence dans ce pays, est en train de renforcer ses effectifs pour intervenir dans le conflit.
Cette intervention a été présentée comme une intervention humanitaire pour sauver les étrangers, en particulier français, nombreux dans ce pays. Puis le gouvernement français a annoncé qu'il fournissait un appui logistique à l'armée gouvernementale. Mais l'appui est maintenant plus que logistique : les troupes françaises prennent parti en se déployant entre les deux camps de façon à empêcher les mutins de progresser vers Abidjan. L'armée française est en réalité de plus en plus engagée dans une opération militaire dont personne ne peut garantir aujourd'hui qu'elle ne sera pas durable. On nous expliquera ensuite que cette intervention, menée au nom du " peuple français ", était destinée à aider le gouvernement légal et, par conséquent, le peuple ivoirien.
Dans la réalité, le gouvernement en place a été élu suite à des élections notoirement truquées, au milieu d'un climat de violence imposé par les militaires et par les milices supplétives du régime.
Et surtout, si l'armée française intervient, ce n'est certainement pas en faveur de la majorité pauvre de la Côte-d'Ivoire qui croupit dans la misère, mais pour défendre ces grandes entreprises françaises qui ont de gros intérêts là-bas et qui ont largement contribué à la pauvreté de la population.
Car si la Côte-d'Ivoire n'est plus officiellement une colonie, comme elle l'a été pendant longtemps, elle fait quand même partie de la chasse gardée du grand capital français. De Bouygues à Bolloré, des travaux publics au négoce du café ou du cacao, en passant par les chaînes commerciales et les banques, nombre de groupes français s'enrichissent là-bas grâce aux salaires bas et au pillage du pays. Et si les Français sont nombreux en Côte-d'Ivoire, peu d'entre eux sont des médecins, des enseignants ou des spécialistes en agriculture pour aider la population de ce pays, et bien plus sont des entrepreneurs petits et grands ou des cadres d'entreprises françaises venus pour mieux l'exploiter.
Combien de millions d'euros coûtent les bases militaires françaises en Afrique, maintenues pour protéger les intérêts des groupes capitalistes ? Combien coûtera l'intervention en Côte-d'Ivoire ?
Et combien coûterait l'intervention militaire bien plus importante si les rodomontades guerrières des États-Unis se transformaient en guerre et si, sous prétexte de chasser le dictateur Saddam Hussein, on massacrait son peuple ? Car si les États-Unis se lançaient dans la guerre, la France serait partie prenante. Parce que tel est l'intérêt du pays ? Non, mais parce que tel est l'intérêt de Total, de triste mémoire, ou de quelques autres grandes entreprises françaises qui ne veulent pas être écartées d'un éventuel règlement par des concurrentes américaines ou anglaises.
Et, pendant qu'on engloutit des centaines de milliards dans un porte-avions et des sous-marins nucléaires de plus pour préparer de telles aventures guerrières, on nous dit qu'il n'y a pas assez d'argent pour les hôpitaux ou pour les écoles, pas assez pour financer l'aide aux personnes dépendantes.
Et la Côte-d'Ivoire ou l'Irak ont beau être loin, on fera payer les interventions aux classes populaires, financièrement ici et avec du sang et de la souffrance là-bas.