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Leur société
Sarkozy mène la guerre aux pauvres
Evoquant la loi Sarkozy dite de " sécurité intérieure ", l'abbé Pierre a apostrophé le ministre en des termes qui relèvent du simple bon sens : " La première sécurité que se doit d'assurer un ministre de l'Intérieur, a-t-il dit, c'est la sécurité des faibles, de ceux qui n'ont pas les moyens de se protéger ". Sarkozy, pas gêné, a rétorqué sur le champ que l'abbé l'avait mal lu, et que rien dans sa loi n'empêchait ni de mendier ni, de façon générale, ne s'attaquait aux pauvres. C'est d'ailleurs ce qu'il nous serine, chaque fois qu'il se trouve devant un micro. Ce qui lui arrive souvent.
À l'entendre, Sarkozy serait ce Chevalier blanc qui manquait jusqu'alors aux plus démunis pour les protéger. Certes, cette violence et cette insécurité, cette tension dont parle Sarkozy sont réelles, même si son discours contribue, à l'unisson avec celui de l'extrême droite, à les dramatiser. Sauf que le maire de Neuilly n'a pas eu à côtoyer cette réalité, encore moins à la subir, et en parle bien plus qu'il ne travaille à l'éradiquer ou même à en atténuer les effets.
Certes, à lire le texte du ministre de l'Intérieur, on ne trouve rien qui vise explicitement les pauvres, les jeunes. Sa démarche, plus sournoise, est de montrer du doigt des situations de gens se situant à la marge : prostituées, nomades, jeunes " désoeuvrés ", les " voyous " précise le ministre, qui traînent au bas des immeubles. L'autre calcul consiste à choisir un discours outrancier, brutal, pour se donner l'image d'un homme d'action énergique. Le procédé a beaucoup servi aux démagogues de droite et d'extrême droite.
Mais en quoi faire la chasse aux prostituées assurera-t-il plus de tranquillité à la population ? Tout au plus, cela rendra plus difficile la vie de celles qui, pour la plupart, ont été contraintes à cette pratique, fuyant la misère pour se retrouver dans une situation misérable, victimes de réseaux mafieux qui ont bien plus de moyens d'échapper à la répression policière que les filles qu'ils exploitent. Car ce ne sont pas les proxénètes que l'on retrouvera parqués dans les commissariats, ni peuplant des prisons déjà trop pleines.
Qu'on nous explique aussi comment des opérations " coup de poing " ou " coup de matraque " contre des jeunes qui meublent leur désoeuvrement au bas des immeubles mettra fin à cette situation, qui, même lorsqu'elle provoque une gêne, n'est quand même pas un crime ! La plupart des interventions policières, même les plus brutales, ont eu l'effet inverse. Sarkozy parle de chasse aux voyous, il ferait mieux de s'interroger sur les raisons qui font qu'aujourd'hui ces jeunes, qui ne sont pas des voyous, se sentent solidaires de petits caïds, contre ceux qui incarnent à leurs yeux, par leur uniforme, un ordre qui les a laissés dans les cités à l'écart de tout, à l'écart de l'éducation et de tout espoir d'avenir.
Ces aspects de la réalité, Sarkozy les balaye d'un revers de main, raillant ces bonnes âmes des beaux quartiers qui, selon lui, évoquent le sort des pauvres, avant de se payer un bon repas dans un bon restaurant. C'est facile et faux.
Mais il ignore tous ceux qui sont, eux, quotidiennement sur le terrain, à la fois parce que c'est leur choix et leur métier : personnel des établissements scolaires, éducateurs, bénévoles qui tentent de mettre sur pied des associations d'aide aux jeunes en difficulté, tous trop peu nombreux et insuffisamment soutenus. Ces gens-là essayent tant bien que mal de corriger, au jour le jour, faute de pouvoir les réparer, les dégâts provoqués par ce système, dont Sarkozy, avec d'autres du même acabit, sont les avocats et les protecteurs.
On ne les voit pas, ces bonnes âmes de la droite et de l'extrême droite, auxquelles se joignent des maires de gauche, comme ceux de Mulhouse et de Lyon, dénoncer ceux qui fabriquent les pauvres par charrettes entières en licenciant à tour de bras. On n'entend pas Sarkozy ni ses soutiens s'indigner quand on restreint les moyens de l'Éducation nationale, ou s'inquiéter outre mesure de la dégradation des conditions de logement dans les cités dites à problèmes.
Et pourtant, s'il mettait autant d'énergie à combattre ces délinquants de haut vol, les licencieurs, les spéculateurs, les truqueurs de la Bourse, qu'il en met à fabriquer des boucs émissaires parmi les catégories les plus démunies, on verrait disparaître une bonne partie de ces problèmes qui servent tant à Sarkozy pour façonner son image d'homme à poigne.