AGCO-MasseyBeauvais (Oise) : Bluff sur l’emploi avec la complicité des autorités locales27/02/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/02/une1804.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

AGCO-MasseyBeauvais (Oise) : Bluff sur l’emploi avec la complicité des autorités locales

L'annonce, à l'été 2002, qu'Agco-Gima (ex-Massey, qui compte 1600 salariés permanents) allait embaucher prochainement de 350 à 450 personnes a fait l'effet d'une petite bombe à Beauvais. La presse locale en a fait ses titres. Ce serait "La renaissance de Massey", "Une bonne nouvelle pour l'avenir de l'emploi".

L'origine de cette bonne nouvelle était à peine évoquée: la fermeture de l'usine anglaise du groupe Agco, à Coventry, avec à la clé aux environs de 1000 suppressions d'emplois. Cette fermeture est d'autant plus scandaleuse que ce groupe, l'un des trois leaders mondiaux du machinisme agricole, a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires de 2,5 milliards de dollars et a vu le cours de son action augmenter de 194% au cours de l'année 2002!

Les autorités locales ont immédiatement fait étalage de leur prétendue préoccupation pour l'emploi. Le préfet est venu visiter l'usine de Beauvais et a eu sa photo dans les journaux. En association avec les Assedic et la direction départementale du travail, Charles Baur, le président du Conseil régional, a accordé une subvention à Agco, sous prétexte de formation des intérimaires. Par contre, les conseillers régionaux de Lutte Ouvrière ont dénoncé cette opération qui consistait à mettre à la disposition du trust Agco des ouvriers immédiatement opérationnels, sans bourse délier, en toute illégalité par rapport à la législation sur l'intérim.

Caroline Cayeux, maire de Beauvais, n'a pas été en reste. Elle a fait payer par le contribuable l'aménagement de l'entrée de l'usine, sous prétexte du futur gonflement des effectifs, donc du trafic routier. Surtout, elle a donné dans le grand spectacle: à l'automne, elle mettait à la disposition de l'agence d'intérim Supplay, pour prendre les inscriptions d'intérimaires, la salle des mariages de l'hôtel de ville! Alléchées par les promesses fallacieuses d'embauches rapides et définitives chez Agco, 200 personnes sont venues s'inscrire en une seule journée. Certains ont abandonné d'autres missions d'intérim pour tenter leur chance. Seulement, il n'y avait aucune embauche immédiate, même en intérim. Personne n'en a soufflé mot, sauf le syndicat CGT de l'entreprise.

Aujourd'hui, on parle de 420 intérimaires à former en vue d'une embauche. Les premiers d'entre eux arrivent seulement maintenant, au début de l'année 2003. Et voilà que le quotidien régional Le Courrier Picard du 23 janvier révélait les conditions d'emploi de ces 420 intérimaires. Ils auront sept contrats d'intérim à la queue leu leu: un de six mois, suivi de six d'un mois. Du jamais vu! En effet, selon la loi, seuls sont autorisés deux contrats d'intérim successifs. Le 3e doit automatiquement être transformé en contrat à durée indéterminée.

"Le plan d'embauches est illégal" titrait Le Courrier Picard, qui soulignait que la direction d'Agco est passée outre, au vu, au su et à l'approbation de toutes les autorités: préfet, maire, ANPE, Assedic, Conseil régional, direction départementale du travail.

Cette méthode permet à Agco de sélectionner encore plus durement les futurs embauchés éventuels en leur maintenant en permanence la tête sous l'eau. Et, selon l'un des dirigeants d'Agco, Didier de Villepin, cousin du ministre, il n'y aura pas 420 embauches au final, mais à peine 250 à 300. Et encore, si tout va bien, c'est-à-dire si réellement le site de Beauvais double sa production comme annoncé.

Dans le cas contraire, si par exemple Agco choisit de faire produire plutôt en Italie, en Russie ou au Brésil, où il a aussi des usines, le découpage des missions d'intérim en tranches d'un mois lui permettra de se débarrasser plus vite et plus facilement des intérimaires devenus indésirables!

Dans le meilleur des cas, les premières embauches définitives ne seront effectives qu'en 2004, après une période de purgatoire d'un an. Après avoir eu l'espoir d'une embauche ferme, toute une partie des travailleurs intérimaires se retrouvera donc sur le carreau. Voilà la réalité qui se cache derrière l'annonce d'Agco.

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