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Centrafrique : Quand un dictateur chasse l'autre...
Le 16 mars dernier, le dictateur de Centrafrique Ange-Félix Patassé a finalement été évincé du pouvoir par le nouvel homme fort du régime, l'ex-chef d'état-major de l'armée, François Bozizé, avec l'aide militaire du Tchad... sous l'oeil bienveillant de la France!
En Centrafrique, l'un des pays les plus pauvres d'Afrique centrale, personne ne regrettera la dictature féroce d'Ange-Félix Patassé, qui avait ruiné le pays et qui a, aujourd'hui, trouvé refuge au Togo. Patassé a fait ses classes à l'ombre de l'empereur Bokassa, dont il fut ministre et premier chef de gouvernement. Rappelons que Bokassa, ami de Valéry Giscard d'Estaing, connu pour ses frasques et ses crimes, protégé de l'impérialisme français, fut un dictateur de sinistre mémoire.
Revenu au pouvoir après la chute de Bokassa -et une brève cure d'opposition-, Patassé avait fini par se faire "élire" en 1993, puis "réélire" en 1999 afin d'acquérir une "certaine respectabilité", comme on dit dans les milieux diplomatiques. Mais en quelques décennies, ce fidèle allié de la France avait réussi à mettre le pays en coupe réglée, laissant les mains libres aux multinationales étrangères pour en piller les ressources naturelles, du moment que lui et son clan pouvaient en bénéficier au passage.
Plusieurs fois menacé par des rébellions militaires ou des révoltes populaires, son régime fut toujours sauvé in extremis par l'armée française qui pendant des années avait des bases militaires à Bangui, puis, lorsque celles-ci furent fermées, par l'armée libyenne. Récemment, Patassé avait fait appel aux rebelles congolais de Jean-Pierre Bemba, un seigneur de guerre qui s'est taillé un fief dans l'est du Congo-Kinshasa, pour le soutenir. Bemba en avait profité pour faire régner la terreur en Centrafrique.
Mais aujourd'hui, le dictateur de Bangui a été "victime" de ce que l'on appelle un renversement d'alliances régionales! Profitant d'un séjour de Patassé à l'étranger, le général Bozizé a donc pris le pouvoir, appuyé par l'armée tchadienne qui a dépêché sur les lieux plus de quatre cents hommes pour faire régner l'ordre dans la capitale et mettre au pas la population. Prétextant le soutien matériel et financier à la force de paix de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cémac), forte de sept cents hommes, la France en a profité pour reprendre pied dans le pays en envoyant une centaine de parachutistes, quatre ans après y avoir fermé ses bases militaires.
Ainsi, en Centrafrique comme en Côte-d'Ivoire, le gouvernement Chirac-Raffarin ne s'est pas embarrassé d'un mandat de l'Onu pour intervenir dans son pré carré. D'aucuns pensent que le Tchad a installé un régime ami à Bangui, sous l'oeil bienveillant de la France, pour garantir ses champs pétrolifères proches de la frontière centrafricaine, dont l'exploitation devrait démarrer dans les prochains mois.
Entre une hypothèse et la réalité, il n'y a souvent qu'un pas!