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Tribune de la minorité
Le PS «répond» à l’extrême gauche
«Répondre à l'extrême gauche»: c'était l'un des sujets au programme de l'université d'été du PS. «L'extrême gauche conduit à l'impuissance» a déclaré Delanoë. Puisque l'extrême gauche «refuse l'idée même du pouvoir(...) la messe est dite» a tancé Hollande. Les dirigeants PS ont toujours tenu ce langage, mais il est nouveau qu'ils en fassent un point de leur université d'été.
Certes, contrairement au PS qui a brillé par son absence, la présence de l'extrême gauche a été notable lors des luttes du printemps dernier. Mais ce sont avant tout les prochaines élections régionales et européennes de 2004 qui nourrissent les craintes du PS. Hollande traite la LCR de «parti de la grève des électeurs». Les différentes organisations d'extrême gauche représentaient plus de 10% des votes au premier tour des présidentielles de 2002, et le PS ne l'a pas oublié. Regagner cette partie de l'électorat populaire est un de ses objectifs.
En même temps que le PS dénonce l'extrême gauche, il cherche à se rapprocher du mouvement altermondialiste pour gauchir son image. Les objectifs du mouvement altermondialiste sont assez flous pour permettre au PS de s'en réclamer. Le président d'Attac, Jacques Nikonoff, s'est lui-même fendu d'une tribune haineuse contre l'extrême gauche dans Libération. C'est qu'il s'essaye aussi de son côté à un ralliement plus ou mois ouvert d'Attac à l'ex-gauche plurielle.
Tentatives qui essuient visiblement des difficultés à en juger par les récents déboires du PS au rassemblement d'Evian, lors du G8 en mai, ou au rassemblement du Larzac début août. On a pu constater qu'une partie des militants «altermondialistes» n'était pas vraiment prête à accueillir le PS à bras ouverts.
Mais l'hostilité du PS vis-à-vis de l'extrême gauche ne se limite pas à la simple concurrence électorale ou à la volonté de récupérer le public altermondialiste. Elle a ses racines dans l'hostilité fondamentale du PS envers la classe ouvrière et son soutien au patronat. Le PS au gouvernement a mené une politique contre les travailleurs. Dans l'opposition, il ne souhaite pas non plus que les salariés relèvent la tête et ripostent au gouvernement. Encore moins si l'extrême gauche y joue un rôle.
Au printemps 2003, le réel opposant à la réforme des retraites de Raffarin, ce n'était pas la gauche parlementaire et sa bataille d'amendements. Formellement, le PS se prononçait contre la réforme, mais certains de ses dirigeants comme Kouchner ne se gênaient pas pour la défendre. Le PS offrait comme seule perspective qu'il reviendrait sur la réforme... en 2007 s'il était élu.
Le mouvement des enseignants, cheminots, postiers et autres salariés du public, s'il s'était généralisé, aurait pu faire reculer Raffarin et Fillon. Les militants d'extrême gauche ont poussé à la généralisation des luttes. Ils ont essayé de construire un rapport de forces face au gouvernement. Le PS, en revanche, a été juste toléré dans les manifestations.
S'il n'a pas réussi à permettre au mouvement de déborder les appareils syndicaux, l'effort de l'extrême gauche pour généraliser la lutte aura marqué les esprits. Les dirigeants socialistes se seraient bien passés de la voix de la rue pour pouvoir prétendre que tout se réglera dans les urnes en se revendiquant, au travers du miroir déformant des élections, comme les principaux opposants à Raffarin, quitte à gauchir, sans excès, leur langage le temps venu.
Alors, condamnée à l'impuissance, l'extrême gauche? Tout au contraire. C'est justement parce que l'extrême gauche pourrait bien influencer une fraction des travailleurs et jouer un rôle dans des luttes sociales à venir (avec éventuellement des retombées électorales à l'avenant) que le PS s'en inquiète. Somme toute, les condamnations du PS sont de bonne augure.