États-Unis : La démission du PDG de Boeing18/12/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/12/une1846.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : La démission du PDG de Boeing

Lundi 1er décembre, Phil Condit, PDG de Boeing, donnait sa démission et était immédiatement remplacé par le n° 2 de la compagnie aérienne.

Bien que l'intéressé n'ait lui-même donné aucune explication, tous les commentateurs lient cette démission à la mise à jour de deux scandales dans lesquels Boeing était impliqué. Le premier est relatif à un contrat de 22 milliards de dollars (18,6 milliards d'euros) pour la livraison à l'Armée de l'Air américaine de 100 avions ravitailleurs. Il s'est avéré qu'au cours des discussions entre Boeing et le Pentagone (le ministère américain de la Défense), Boeing avait proposé une embauche à une des responsables des approvisionnements de ce ministère. Embauche qui eut lieu ensuite. Après la démission de Condit, le Pentagone a suspendu son contrat avec Boeing.

Le second scandale concerne des offres concurrentes pour répondre à une demande du Pentagone pour un lanceur de satellites. Boeing avait utilisé les données incluses dans 35000 pages de documents volés à son concurrent Lockeed Martin pour proposer la meilleure offre. Là aussi, le Pentagone a réagi en rayant Boeing de ses éventuels fournisseurs pour ce genre de matériel.

Bien évidemment, ces "révélations" ne sont peut-être elles-mêmes que le fruit de la concurrence et de "fuites" organisées par un concurrent malheureux... qui ne doit pas non plus se priver d'utiliser de tels moyens pour emporter un marché de l'État. Elles sont peut-être aussi attribuables à des actionnaires ou des groupes financiers mécontents des piètres résultats affichés par Boeing ces dernières années. Ce ne sont certes pas les dizaines de milliers d'emplois supprimés par cette compagnie depuis septembre 2001 qui motiveraient ces attaques, mais bien l'état du tiroir-caisse de ces exploiteurs.

Chacun sait que, si la théorie libérale dit que l'État ne doit pas s'occuper de "business", État et business sont très proches, au pays de la totale liberté d'entreprendre. La presse a publié des rapports d'instituts américains qui se consacrent à éplucher les agissements du gouvernement. L'un de ces instituts identifie 29 hauts responsables gouvernementaux ou du Pentagone qui se sont retrouvés, dans les années récentes, à de hauts postes chez Boeing. Un autre institut en identifie 23 de plus.

L'hebdomadaire d'affaires US News jette un éclairage particulier sur ces liens entre l'État et les grandes compagnies, si bien établis que l'on ne sait plus qui cherche à influencer qui. Ainsi, dans une affaire de concurrence entre -encore- Lockeed Martin et Boeing, un e-mail interne à Boeing, daté de décembre 2002, indique que James Roche, secrétaire d'État à l'Armée de l'Air, presse Boeing d'user de son influence auprès des parlementaires et critique cette compagnie pour n'avoir pas obtenu du Congrès les commandes attendues par l'Armée de l'Air. Ce monsieur s'affirme "vraiment insatisfait" des efforts déployés par Boing!

Ah, on allait oublier de parler de ce qu'allait devenir Phil Condit. Rassurons les amis des gros bonnets: ce monsieur, qui percevait un revenu annuel de 3,8 millions de dollars (un tout petit peu moins en euros), va toucher une pension de retraite de 31,5millions de dollars. Et, apparemment, il conserve le paquet d'actions de Boeing qu'il détient, valant 31, 5 millions de dollars. Il y a vraiment des licenciés bien plus égaux que d'autres!

Partager