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Dans le monde
Russie : Campagne présidentielle sur fond de guerre et d'attentats
Perpétré dans le métro de Moscou à une heure de pointe matinale, à proximité d'une grande usine automobile, l'attentat du 6février a tué au moins 40personnes. Il a bien sûr soulevé d'horreur la population mais, à cinq semaines du scrutin présidentiel russe, il a aussi permis au président sortant Poutine de renforcer sa position de candidat déjà très largement en tête des sondages en incriminant les indépendantistes tchétchènes et en promettant "d'éliminer les terroristes".
Fin 1999, quand il n'était encore que dauphin d'Eltsine, Poutine avait déjà dit la même chose en lançant sa propre guerre de Tchétchénie. Il s'était alors vanté, dans son langage d'ancien chef de la police politique, "d'aller buter les terroristes jusque dans leurs chiottes". On voit le résultat.
Cette guerre, contrairement aux fanfaronnades de Poutine, est loin d'être terminée. Bassaïev, un chef de guerre indépendantiste, vient de le rappeler: "Tant qu'un soldat russe se trouvera sur le sol tchétchène, cette guerre se poursuivra (sur place et) sur tout le territoire de la Russie, le pays agresseur."
Le peuple tchétchène est bien sûr celui qui souffre le plus de cette sale guerre, mais il n'est pas le seul. La population russe en fait aussi les frais, et de bien des façons: en voyant de jeunes conscrits tomber pour des intérêts qui ne sont pas les leurs (et en bien plus grand nombre que les seuls 276 morts avoués par le gouvernement russe); en subissant des attentats qui semblent pouvoir frapper n'importe où et n'importe quand; en subissant aussi la surenchère nationaliste des "élites" russes, politiques ou intellectuelles, qui empuantit l'atmosphère des propos xénophobes et racistes des officiels et des rafles au faciès de la police contre les Caucasiens dans tout le pays. Elle le paie aussi du fait du coût énorme de cette guerre pour les finances publiques alors que les budgets sociaux ne cessent de se réduire.
Et puis, la guerre contribue pour beaucoup au renforcement autoritaire du régime. Même si le fait qu'elle n'en finisse pas est un démenti apporté aux promesses faites par Poutine, lors de sa première élection, cela semble renforcer sa posture de chef d'État décidé à faire respecter son pouvoir et qui, pour cela, devrait disposer de moyens toujours renforcés, y compris pour juguler toute voix discordante.
Les attentats de l'automne 1999 (plus de 200 morts rien qu'à Moscou), qui avaient précédé, et justifié, le déclenchement de cette guerre, avaient suscité bien des doutes quant à leurs commanditaires. Poutine avait accusé les Tchétchènes, mais beaucoup sont persuadés qu'il y avait trop intérêt pour n'y avoir pas prêté la main.
Alors qu'il vient de remporter haut la main les législatives de cet automne, que les sondages le créditent de 80% d'intentions de vote à la présidentielle et que les principaux partis ont renoncé à présenter leurs leaders contre lui, Poutine n'a guère besoin de faux attentats pour assurer sa réélection. Mais l'atmosphère de crainte liée aux attentats lui permettra, peut-être, de motiver la plus grande partie des électeurs à aller voter. Car si le résultat du scrutin ne fait aucun doute, il pourrait s'accompagner d'une abstention massive, comme aux législatives où, dans les grandes villes et plus encore dans leurs quartiers ouvriers, les deux tiers des électeurs ont boudé les urnes, par dégoût pour des dirigeants politiques considérés comme des gangsters autant que par impuissance face aux décisions que ceux-ci prennent de toute façon sans eux et contre eux.