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Tribune de la minorité
Sanction électorale. Et maintenant?
La droite a été sanctionnée. Elle n'a évidemment pas été évincée. C'est donc la même politique qui va continuer, et le seul frein sera celui que les travailleurs pourront imposer par leur lutte.
D'autant plus que le PS a joué très exactement le rôle qu'il reproche tant et si mal à propos à l'extrême gauche: pas de projet, pas de programme, pas d'alternative aux attaques de la droite et des patrons, pas même l'objectif de revenir sur les mesures adoptées par le gouvernement Raffarin, pour ne pas parler bien sûr de celles de ceux qui l'ont précédé. Rien donc qu'un rôle protestataire et un bulletin de vote destiné à sanctionner la droite. Bien des électeurs ne l'ont pas pris autrement.
Alors qu'il y a deux ans beaucoup s'étaient servi des candidats d'extrême gauche pour désapprouver la politique pro-patronale du gouvernement de gauche, cette fois ils se sont servi de la gauche pour sanctionner la droite là où ça lui fait mal, c'est-à-dire en lui faisant perdre des places. Et pour cet objectif les partis de l'ex-gauche plurielle ont semblé les mieux placés. Le score des listes LO-LCR n'est donc pas un désaveu, ni de sa politique ni du choix que les deux organisations ont fait de se présenter ensemble. Une fraction de l'électorat vient malgré tout de se prononcer en leur faveur: c'est réjouissant pour l'avenir.
Car, maintenant les élections passées, l'extrême gauche a vraiment l'opportunité de montrer son utilité, y compris à ceux qui le 21 mars ont trouvé plus utile de voter pour la gauche. À condition que LO et LCR poursuivent dans la même direction, en démontrant qu'elles étaient sérieuses quand elles invitaient les travailleurs à faire de la politique sur un autre terrain et que le couple d'extrême gauche formé à l'occasion n'est pas le simple produit de marketing décrit par nos adversaires et destiné à disparaître dès la fin des échéances électorales.
Un programme plus urgent et actuel que jamais
Raffarin maintenu avec le même ordre de mission, au mieux un changement de style, c'est dans les mois qui viennent, les semaines peut-être, que la question est posée de comment réagir.
La gauche a prévenu qu'elle n'avait ni objectifs pour les travailleurs ni intention d'en trouver avant... 2007. Les centrales syndicales, tout en se félicitant du désaveu du gouvernement, se sont réjouies plus encore de ses ouvertures à leur égard.
Qui d'autre donc que l'extrême gauche peut souligner et préciser que "revenir sur des mesures injustes", suivant la vague formule de Hollande, c'est revenir à 37 ans et demi de cotisations pour une retraite complète pour tous, annuler toutes les mesures scélérates contre les chômeurs, interdire tous les plans de licenciements et rattraper le retard pris depuis vingt ans par les salaires? Qui d'autre peut marteler et rappeler que des "négociations", dont la perspective fait briller les yeux des Thibault, Mailly et Chérèque, sont un piège s'il n'est pas affirmé par avance que les salariés n'accepteront aucune diminution de leurs droits, et en particulier aucune réforme de la Sécurité sociale qui reposerait sur l'augmentation des cotisations des salariés ou un moindre remboursement des soins? Qui d'autre enfin s'est prononcé depuis longtemps pour l'arrêt de toute subvention aux patrons et l'obligation de consacrer l'argent public aux services publics, leur amélioration et l'embauche du personnel nécessaire?
LO et LCR ont défendu ensemble ce programme pendant les élections régionales. Elles s'apprêtent à le défendre ensemble aux prochaines européennes. Qu'est-ce qui peut bien les empêcher de le défendre ensemble, avant, après ou entre deux élections?
La main tendue à ceux qui veulent réagir
Nous allons sans doute vérifier assez rapidement si les résultats électoraux ont contribué à renforcer le moral des travailleurs, comme les réactions de satisfaction recueillies les 22 et 29 mars dans les entreprises ou les milieux populaires peuvent le laisser espérer. À défaut des organisations syndicales ou des partis de gauche c'est le gouvernement lui-même qui semble prêt à le tester, en maintenant son cap et ses coups fourrés: de la privatisation d'EDF-GDF à la casse du code du travail, sans oublier surtout celle de la Sécurité sociale.
Il y a déjà quelques propositions de se préparer à affronter ses attaques. Ainsi le PCF radicalise ses revendications sur le sujet et propose la mise en place des comités "Touche pas à ma sécu". Ici ou là des militants PCF, mais aussi syndicalistes, en particulier CGT, d'Attac, de la LCR, auraient même commencé à les mettre sur rails. Opération uniquement publicitaire pour le parti ou feu vert à ceux, critiques ou non envers sa direction, qui piaffent d'impatience de faire quelque chose pour ne pas voir la santé subir le même sort que les retraites?
C'est aussi le rôle de l'extrême gauche de tester la volonté réelle des militants comme des organisations de gauche et du mouvement ouvrier d'organiser la contre-offensive. À elle de trouver les gestes et les propositions qui permettent de démasquer les faux semblants des véritables volontés de lutter et de s'allier à ces dernières, quelles que soient nos divergences avec elles par ailleurs. Force politique encore limitée mais pourtant reconnue, elle a quelques moyens de le faire: depuis la collaboration à ces comités de défense de la Sécu là où ils regroupent des militants et travailleurs réellement dévoués à organiser la riposte jusqu'à la reprise au vol des propositions de montrer la force des salariés dans la rue. Par exemple Thibault veut faire une grande journée du 1er mai prochain. L'extrême gauche peut proposer explicitement de participer à son succès comme à son organisation.
G. M.
Convergences Révolutionnaires n°32 (mars 2004), bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Après Jospin, Raffarin, de mal en pis
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