- Accueil
- Lutte ouvrière n°1870
- Amérique latine : L'Europe avance ses pions
Dans le monde
Amérique latine : L'Europe avance ses pions
Vendredi 28 mai, les représentants des 25 pays de l'Union européenne se sont retrouvés avec les chefs d'État de l'Amérique latine et des Caraïbes à Guadalajara, au Mexique, où se tenait ce troisième sommet réunissant quelque 58 pays.
À deux semaines de la prochaine réunion du G8 et au moment même où Bush tente, par le biais d'une résolution déposée aux Nations unies, d'attirer en Irak les États européens qui ne l'ont pas suivi dans cette aventure guerrière, ceux-ci ne sont pas mécontents de montrer qu'ils exercent un peu d'influence dans l'arrière-cour des États-Unis.
Une des réunions de ce sommet était consacrée aux négociations en cours entre l'Union européenne et le marché commun sud-américain, le Mercosur, qui réunit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay, et associe également le Chili, la Bolivie et le Pérou. Pour les dirigeants de ces sept pays, cette ébauche de "marché commun", née en 1991, apparaît comme un moyen de faciliter les échanges.
Les uns comme les autres souhaitent augmenter les échanges entre l'Union et les pays membres du Mercosur, actuellement d'un montant de 42,3 milliards d'euros. Mais les rapports de forces entre l'Union et le Mercosur ne sont pas égalitaires. Toute l'histoire des pays d'Amérique latine est celle du pillage de leurs richesses par les pays européens ou nord-américains. Et ce rapport de domination se perpétue, même si l'Europe mêle aide économique et pressions diverses pour étendre la mainmise de ses grandes entreprises, en même temps qu'elle protège le marché européen de la concurrence des produits agricoles venus d'Amérique latine. En fait de donnant-donnant, les négociations en cours, qui peinent à se conclure, seront une fois encore du donnant... perdant pour les peuples d'Amérique latine.
Les Nations unies viennent d'ailleurs de calculer, dans le cadre des travaux de la Cnuced (un de ses organismes pour le "développement économique et la coopération"), que la libéralisation des échanges commerciaux entraîne pour les pays les moins développés un déséquilibre accentué des échanges avec les pays riches, une désindustrialisation et une augmentation de la pauvreté dans des pays déjà très pauvres. On en avait eu un échantillon au moment de l'effondrement de l'économie argentine, minée par les exigences des grandes entreprises françaises et espagnoles qui s'y sont partagé les secteurs les plus profitables.
Cela n'a pas empêché Chirac, présent à ce sommet, de faire assaut de démagogie, lançant une diatribe contre "la bêtise" et "l'égoïsme" des classes possédantes d'Amérique latine, car elles refusent les augmentations d'impôts à leur égard, et donc de consacrer plus d'argent au bien-être de toute la population. Chirac, comme d'habitude, n'est pas gêné, alors qu'en France, avec le gouvernement Raffarin, il est le garant de l'égoïsme des classes possédantes d'ici et multiplie les cadeaux fiscaux aux plus riches.
En matière d'égoïsme et de bêtise, c'est un connaisseur.