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États-Unis : Le faux choix Bush-Kerry
Le président Bush a été officiellement désigné par la convention républicaine comme le candidat à la présidence qui se trouve opposé au démocrate Kerry, et les sondages, qui lui étaient auparavant plutôt défavorables, se sont retournés en sa faveur. Il battrait de onze points le candidat démocrate, par 52% contre 41%. Le troisième candidat, Ralph Nader, crédité auparavant de 4 à 7%, obtiendrait 3%.
Les attaques des Républicains sur la "faiblesse" supposée de Kerry dans les questions de défense, au moment où les États-Unis sont engagés dans "la guerre contre le terrorisme" ont été payantes. La tentative de Kerry de se poser en ancien combattant de la guerre du Viêt-nam, face à un Bush qui n'y a pas participé par piston, a fait long feu.
Kerry a donc changé son fusil d'épaule et dénonce maintenant la politique intérieure de son adversaire. Il accuse Bush d'être "le premier président depuis la Grande Dépression à briguer un deuxième mandat sans avoir créé le moindre emploi". Et il entend dénoncer la politique de Bush vis-à-vis de la couverture maladie et de l'éducation, attaquées par l'administration Bush.
Et si ce nouvel axe électoral permet de réduire l'écart entre Kerry et Bush, il sera toujours temps pour les démocrates de s'en prendre à... Nader, comme ils le faisaient déjà il y a quelques semaines, pour inviter les électeurs à voter utile pour faire tomber Bush.
Nader a au moins pour lui de dire que Républicains ou Démocrates sont les candidats du même parti, celui des plus riches. Mais les Démocrates font pression contre sa canditature et ont réussi à dissuader les Verts de l'introniser comme candidat, comme ils l'avaient fait en 2000. Et Nader lui-même envisagerait de se retirer, si Démocrates et Républicains étaient au coude à coude.
"N'importe qui sauf Bush" (avec son supplément: et pas Nader non plus): voilà le slogan censé assurer l'élection de Kerry. Mais même si ce slogan était suivi d'effet, les électeurs démocrates ne tarderaient pas à déchanter.
Pour ce qui est de la politique extérieure, Kerry et les Démocrates n'ont pas seulement soutenu les guerres menées par les États-Unis en Afghanistan et en Irak. Ils se sont réjouis de "l'union nationale" qui a alors existé entre Républicains et Démocrates. Mais Kerry a déjà annoncé qu'il saurait finir la guerre que Bush a commencée. En cela, il se situe pleinement dans la tradition démocrate: celle, par exemple, de Kennedy et Johnson se relayant pour commencer et poursuivre la guerre du Viêt-nam.
Et sur le plan intérieur, même si Kerry a l'intention de dénoncer les mauvais coups de son adversaire contre les classes populaires, les Démocrates ne se distinguent guère, en la matière, des Républicains. Ils ont voté les lois répressives qui ont restreint les libertés depuis le 11 septembre 2001. Mais ces remises en cause des libertés démocratiques étaient dans la continuité de celles de l'administration Clinton après l'attentat d'Oklahoma City, qui avait eu lieu durant son mandat.
Quant aux budgets sociaux, ils ont été rognés tour à tour par les Républicains aussi bien que par les Démocrates. Au cours de son premier mandat, Clinton avait rogné aussi bien sur les budgets de Medicare (l'assurance-maladie des personnes âgées) et de Medicaid (les soins gratuits pour les plus démunis). Pour son second mandat il avait promis de sauver Medicare du démantèlement qu'allaient lui faire subir les Républicains. Mais, une fois réélu, il diminua encore les deux budgets de ces organismes sociaux. Et pendant qu'il y était, il tira un trait sur l'aide aux familles démunies ayant des enfants à charge, un budget social créé dans les années trente pour les familles sans moyens (du fait du chômage) ou aux moyens insuffisants (familles monoparentales).
La politique du "moindre mal" qui consiste, pour éliminer le candidat sortant, à voter pour un nouveau venu, qui une fois élu poursuivra pour l'essentiel la même politique, n'est vraiment qu'un méchant tour de passe-passe, qui permet depuis des dizaines d'années que les équipes démocrates ou républicaines se relaient à la présidence et assurent ainsi la prospérité des classes possédantes qui en sont les seules bénéficiaires.
Quant aux classes populaires, si elles veulent obtenir quelque chose de l'une ou l'autre des administrations qui emporteront la Maison-Blanche, elles ne peuvent vraiment compter que sur elles-mêmes et sur leurs luttes.