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Dans le monde
Irak : L’enlisement des forces d’occupation
En Irak, depuis plus de sept semaines que dure l'offensive contre la ville rebelle de Fallouja, les forces américaines piétinent. La nuit, elles multiplient les bombardements aériens. Le jour, ce sont les blindés lourds qui prennent le relais. Les décombres s'amoncellent dans toute la ville, sans parler des victimes dont on ignore tout. Mais rien n'y fait, les combats continuent.
Les «négociations de paix» annoncées triomphalement par le secrétaire d'État Rumsfeld le 10 octobre ont vite tourné court, d'autant plus vite que les autorités américaines ont trouvé le moyen de jeter en prison les deux principaux membres de la délégation venue de Fallouja. L'un d'entre eux, le chef de la police de la ville, avait dénoncé publiquement le gouvernement fantoche mis en place par les Américains à Bagdad -un geste de défiance apparemment insupportable aux yeux des galonnés du Pentagone!
Face à cette résistance opiniâtre, les généraux américains n'ont guère d'autre choix, pour l'instant, c'est-à-dire tant que les élections américaines ne sont pas terminées, que de gagner du temps tout en empêchant les groupes de résistance de reconstituer leurs forces. Mais quel que soit le nouveau locataire de la Maison-Blanche, ils préparent leurs troupes pour un assaut qui risque de tourner au bain de sang.
Seulement les 130000 soldats des forces américaines ont à contrôler un territoire immense où la résistance armée est quasi omniprésente. Dégarnir une partie de ce territoire pour concentrer les quelques dizaines de milliers de GI's nécessaires à un assaut en règle contre Fallouja, c'est risquer l'ouverture d'un nouveau front ailleurs. Sans parler des réactions qu'un bain de sang à Fallouja pourrait susciter dans le reste du pays. C'est pourquoi Washington a demandé de l'aide à Londres et l'envoi de 850 hommes du régiment d'élite «Black Watch», dans la région du nord de Bagdad que les GI's appellent le «triangle de la mort». Ce n'est pas la première fois que Bush fait appel à son compère Blair. En avril dernier, avant de décider de faire machine-arrière face à la résistance de Fallouja, la Maison-Blanche avait demandé à Londres de remplacer des troupes américaines dans le centre du pays. Mais Blair était alors à deux mois des élections municipales et européennes et l'affaire avait été prudemment oubliée.
Cette fois-ci, avec bien des précautions oratoires, Blair a fini par céder à la demande américaine. Mais du coup, il doit faire face à une levée de boucliers de toutes parts, tant de la part de l'opposition, ce qui est de bonne guerre, que de son propre parti.
Par ailleurs, la situation s'est sérieusement aggravée dans la zone d'occupation anglaise au cours des derniers mois, et il ne faudrait sans doute pas grand-chose pour bousculer le statu quo actuel, où les 8500 soldats britanniques sont plus ou moins maîtres du centre de Bassora et du port d'Oum Qasr, tandis que les banlieues et les petites villes sont de fait aux mains de groupes de résistance. Les hautes sphères de l'armée britannique, à commencer par le général Michael Walker, chef d'état-major général des armées, ont donc protesté contre toute idée de dégarnir la zone britannique.
Le renfort britannique risque donc d'être bien insuffisant pour permettre aux troupes américaines de faire face à la situation, et on assistera peut-être, après les élections américaines, à l'envoi de nouvelles troupes US en Irak. Mais qu'une telle escalade permette aux forces d'occupation de sortir de cette guerre ignoble où elles s'enlisent de plus en plus, c'est une tout autre affaire. Ainsi se trouvent confirmés les avertissements qu'avaient lancés à Bush tant de commentateurs avant l'invasion, y compris dans son propre camp et parmi les militaires du Pentagone. Le malheur, c'est que des dizaines de milliers d'Irakiens ont déjà payé de leur sang cette démonstration a posteriori, et qu'un plus grand nombre encore risquent de subir le même sort pour qu'il ne soit pas dit que l'impérialisme aura perdu la face.