En finir avec les mariages forcés31/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1913.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

En finir avec les mariages forcés

L'âge légal du mariage pour les femmes va passerà 18 ans, comme pour les hommes, au lieu de 15 ans précédemment. C'est un amendement, déposé au Sénat dans le cadre d'une loi visant à lutter contre les violences conjugales, qui va permettre cette modification du code Napoléon, qui date de 1804.

Pour les sénateurs il s'agit d'abord d'harmoniser la loi française avec celles des autres pays européens qui, pour la plupart, fixent à 18 ans l'âge pour être adulte et pouvoir se marier, pour les hommes comme pour les femmes, évidemment.

Il s'agirait aussi de lutter contre les mariages forcés. Les associations féministes estiment qu'il y a, en France, de 70000 à 75000 jeunes filles mineures mariées contre leur gré ou menacées de l'être. C'est-à-dire que de toutes jeunes filles sont mariées, ou plutôt vendues, par leur père à un homme qu'elles ne connaissent pas, souvent beaucoup plus vieux qu'elles, et sont ainsi fréquemment destinées à devenir des esclaves domestiques et sexuelles. Ce sont justement des témoignages de jeunes filles ayant été mariées de force et s'étant évadées qui ont révélé l'ampleur du phénomène.

Aujourd'hui cette pratique barbare concerne surtout certains pays d'Afrique et d'Asie et certaines des populations qui en sont originaires. Mais, il n'y a pas si longtemps, c'était la règle générale, surtout dans la "bonne société", et c'est d'ailleurs cela que Napoléon avait codifié. Depuis cette époque, les luttes des féministes et l'évolution générale des moeurs ont fait diminuer le nombre de ces mariages "arrangés", "de convenance", "d'intérêt" ou tout simplement décidés par le père de famille et lui seul.

Malheureusement il semble que le nombre de mariages forcés soit maintenant en augmentation, particulièrement entre une jeune fille de nationalité française et un homme de la nationalité d'origine de la famille des parents de celle-ci. Cette augmentation illustre peut-être le retour en force de moeurs et de traditions d'un autre âge. Mais elle est certainement aussi liée au fait qu'en lui vendant sa fille on vend en même temps au fiancé la possibilité d'obtenir la nationalité française, ce qui augmente la valeur vénale de la jeune fille.

Alors en effet, reculer l'âge légal du mariage pour les filles, leur donnera une possibilité supplémentaire pour se défendre contre un mariage forcé, c'est tant mieux. Mais cela jouera surtout pour les Françaises dont le fiancé est également français, comme dans les cas de mariages forcés aux Antilles, aux Comores... ou en métropole.

Mais, en revanche, pour celles, et ce sont les plus nombreuses, que la famille envoie se marier "au pays", le problème reste entier car la loi française reconnaît les mariages légaux contractés à l'étranger, donc suivant la loi du pays concerné. Pire encore, les jugements concernant les femmes (mariage forcé ou consenti, répudiation, polygamie, droit de garde des enfants) prononcés en Algérie, en Egypte, au Sénégal, en Côte-d'Ivoire, au Mali, au Niger et au Cameroun sont valables en France, par suite d'accords passés entre la France et ces pays. La France est réputée être le pays des "droits de l'homme", mais elle n'est pas celui des droits de la femme répudiée par un mari polygame ou de la jeune fille mariée à un barbon inconnu.

En fait dans tous ces cas la loi n'impose qu'une chose: la jeune fille française et son fiancé doivent se présenter au consulat de France. Puisqu'il n'y a pas de protection légale, l'État demande à ses fonctionnaires des consulats de "tenter d'évaluer la situation" et de "prendre en compte les signaux d'alerte: écart d'âge incongru; pas de langue commune entre les deux futurs conjoints; réticence à ce que la jeune femme soit reçue individuellement, etc.". Autant dire qu'il vaudrait mieux que la jeune fille menacée ait la possibilité de ne pas retourner au pays. Mais, là encore, les pouvoirs publics se bornent à donner des conseils: "cachez vos papiers d'identité, consultez l'assistante sociale..." Autrement dit: "débrouillez-vous!"

Pour obtenir une véritable égalité politique, pour pouvoir disposer vraiment d'elles-mêmes, les femmes se sont battues et les lois ont suivi. Contre ces mariages forcés, il faudra qu'il en soit de même.

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