- Accueil
- Lutte ouvrière n°1919
- Constitution européenne : Une "avancée démocratique"?
Leur société
Constitution européenne : Une "avancée démocratique"?
Parmi les nombreux arguments des partisans du "oui" à la Constitution européenne, revient souvent celui de l'avancée démocratique qu'elle constituerait.
Ainsi le Parti Socialiste, dans l'argumentaire de sa campagne intitulé "Ça vaut le coup de dire oui", explique: "Ratifier le traité, c'est renforcer les pouvoirs du Parlement. C'est faire le pari d'une montée en puissance du Parlement, composante la plus démocratique du système politique européen". Dans le journal Libération du mardi 10 mai, Matthieu Lemoine, un économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, affirmait: "La Constitution permettra de donner naissance à un véritable chemin vers la démocratie, et c'est la raison pour laquelle il faut voter oui".
Le fonctionnement de l'Europe défini dans la Constitution serait donc plus démocratique, en particulier grâce au renforcement des pouvoirs du Parlement européen. Contrairement aux autres institutions décisionnaires, telles que le Conseil des ministres qui réunit les ministres des différents pays de l'UE et la Commission dont les membres sont désignés par les États, le Parlement européen serait censé "représenter les peuples" qui composent l'Union européenne.
Mais les modalités de l'élection des députés européens ne sont même pas les mêmes partout. Le découpage en circonscriptions, par exemple, varie selon les États: pour onze d'entre eux les listes sont présentées à l'échelon national, alors qu'ailleurs le nombre de régions varie. Ce Parlement n'est par ailleurs pas élu partout à la proportionnelle intégrale. Ainsi en France, où le seuil est à 5%, il fallait en fait, aux dernières élections européennes de 2004, qu'une liste recueille, selon les circonscriptions, 6,80 à 11,34% des voix pour avoir un élu.
Qu'en est-il des pouvoirs accrus de ce Parlement, qui le rendraient plus "démocratique"? L'article I-20 de la Constitution précise que "le Parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil des ministres, les fonctions législatives et budgétaires". Les partisans socialistes du oui exultent: "Le Parlement devient co-législateur à égalité avec le Conseil des ministres, notamment en matière budgétaire". Certes, le rôle législatif du Parlement européen s'est progressivement accru depuis le traité de Maastricht de 1992. Mais il n'a toujours pas l'initiative des lois, dont le monopole est gardé par la Commission. Mais, au-delà du fonctionnement des institutions tel qu'il est défini dans le texte de la Constitution, il y a la pratique. Tout le monde sait combien les lobbies des grands groupes industriels et financiers pèsent sur les décisions prises aussi bien par les membres de la Commission que par les députés.
"Si la politique menée par la Commission ne nous plaît pas, nous pourrons à juste titre sanctionner la majorité sortante aux élections européennes et élire une nouvelle majorité au Parlement", se réjouit naïvement, ou pas, Matthieu Lemoine. Cela serait à peu près aussi efficace qu'en France, où les travailleurs ont voté plus d'une fois pour sanctionner la politique qu'ils désapprouvaient, sans que cela change quoi que ce soit, tant les dés sont pipés, dès lors que l'on laisse à la grande bourgeoisie la possibilité de contrôler, grâce à son argent, toute la société. Ce Parlement européen "composante la plus démocratique du système politique européen" selon les partisans socialistes du oui, est au fond à peu près à l'image des Parlements nationaux. Et ce n'est pas une référence!