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Tribune de la minorité
Violence à l'école : La politique du gouvernement jette de l'huile sur le feu
L'agression d'une jeune enseignante du lycée professionnel d'Étampes a relancé le débat sur la violence à l'école. Le récit qu'elle a fait à la presse de sa première année d'enseignement a profondément choqué. Ce qui est remarquable, c'est qu'après avoir reçu sept coups de couteau, elle ne met pas en cause les élèves, mais sa hiérarchie. D'abord sa proviseure, qu'elle avait mise au courant des menaces qu'elle recevait, mais qui a préféré nier la gravité de la situation, sans doute pour préserver la réputation de son établissement... jusqu'au drame. Mais aussi son inspectrice et l'Inspection académique de l'Essonne. Celle-ci n'a répondu qu'en refusant d'accorder une journée "banalisée" de discussion entre les professeurs du lycée, qui avaient bien senti la situation se dégrader pour chacun d'entre eux. L'enseignante envisage donc de se retourner contre l'Éducation nationale, qui n'a rien fait pour assurer sa sécurité. Ses collègues ont usé de leur droit de retrait dans le même sens.
Les réponses de l'institution, et du ministre de l'Éducation Gilles de Robien, laissent pantois: les enseignants ne doivent pas hésiter à porter plainte! C'est complètement dérisoire. C'est une manière de confirmer l'impuissance de l'Éducation nationale face à des faits d'une telle gravité. Quand les enseignants portent plainte, c'est qu'il est déjà trop tard. Mais c'est surtout l'occasion de tout focaliser sur le terrain de la répression, pour un gouvernement qui n'a que ce mot à la bouche. De Robien propose l'installation de permanences de la police et de la justice à l'intérieur des établissements scolaires. Les professeurs d'Étampes sont contre. Ils ne sont pas les seuls. Il est arrivé bien souvent que des enseignants confrontés à la violence se mobilisent contre ce type de solution, considérant que la présence de la police dans l'école ne ferait que tendre encore plus la situation. Autre proposition, d'un ridicule achevé cette fois: mettre des notes de comportement qui compteraient dans la moyenne, y compris pour l'obtention du Brevet des collèges.
C'est à la misère sociale, et à la misère morale qui en découle, que les enseignants sont confrontés. Bien sûr l'école ne peut pas régler ces problèmes qui la dépassent. Davantage de moyens permettraient pourtant d'établir d'autres relations avec les élèves: des classes moins nombreuses, où les enseignants pourraient être plus à l'écoute et disponibles pour chaque élève, de manière à établir des relations de confiance, du soutien scolaire pour lutter contre l'échec, davantage de surveillants... C'est ce que les professeurs demandent, comme ceux du collège Garcia Lorca à Saint-Denis, qui se sont mis en grève la semaine dernière suite à l'agression d'un surveillant. Mais les surveillants justement, parlons-en! De leur statut, il ne reste rien. Les nouveaux contrats sont de plus en plus précaires. Actuellement l'Éducation nationale ne propose que des Contrats d'accompagnement à l'emploi de 20h, pour six mois renouvelables, sans aucune formation. Ce qui s'ajoute à la suppression de milliers de postes aux concours, c'est-à-dire d'emplois d'enseignants en moins dans les années qui viennent.
Et tout est à l'avenant dans les solutions gouvernementales. Pour les collèges, de Robien prévoit de supprimer le dispositif ZEP (Zone d'éducation prioritaire) pour plus d'une centaine d'entre eux. Cela veut dire du personnel et des heures d'enseignement en moins. D'autres collèges seraient au contraire classés "Établissement Réussite", un jargon ridicule pour permettre des expérimentations qui le sont encore plus: redoublement interdit, classes de niveau, dérogations pour les meilleurs élèves qui pourraient éviter d'aller aux lycées de leur secteur, qui se transformeraient encore plus en établissements poubelles. Sans compter l'option "découverte professionnelle" dès la classe de 4e, une façon d'introduire l'apprentissage à 14 ans si cher au gouvernement.
En prétendant concentrer les moyens sur les collèges qui en ont le plus besoin, de Robien veut diviser les établissements scolaires et les mettre en concurrence les uns contre les autres. Les lycées ne sont pas encore concernés, mais il est évident qu'ils feront eux aussi les frais de cette politique. Les salariés de l'éducation ne sont pas dupes: partout, c'est le manque d'adultes encadrants qui est en cause, c'est-à-dire la création de dizaines de milliers de postes qui serait nécessaire.
Une journée d'action de la fonction publique est prévue le 2février. On ne sait pas encore trop ce que les syndicats entendent en faire mais il est bien évident que les problèmes de l'école ne peuvent être résolus que sous la pression d'une mobilisation d'ensemble. Et pas des seuls enseignants mais de tous les travailleurs, tant ils rejoignent tous les problèmes du monde du travail. N'est-ce pas tout un symbole qu'au moment où l'actualité a mis dramatiquement en lumière la précarité des conditions de vie et d'étude dans les lycées et collèges des quartiers populaires, Villepin annonce, avec son projet de Contrat premier emploi, qu'il entend bien aider à installer une précarité encore plus grande dans les conditions de travail et de vie de tous, dans le privé comme dans le public. Immédiatement pour les moins de 26 ans... mais si nous laissons faire, les plus vieux ne perdent rien pour attendre.
Lydie GRIMAL
Convergences Révolutionnaires n° 43 (janvier-février 2006)
Bimestriel publié par la Fraction
Dossier: La crise permanente du logement.
Articles: Une année sans élections... - Le mythe de la "police de proximité" - SNCM, RTM, SNCF: les grèves torpillées de 2005 - Bosch, Fenwick: l'allongement du temps de travail - Des CCP à la banque postale: la privatisation en marche - Belgique: attaque contre les préretraites - États-Unis: Une nouvelle centrale syndicale - Iran, Irak: le mouvement ouvrier et communiste sous le feu.
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