- Accueil
- Lutte ouvrière n°2034
- Sarkozy - Hollande : Les deux masques du capital.
Editorial
Sarkozy - Hollande : Les deux masques du capital.
L'agitation de Sarkozy ne connaît pas de cesse. Et il s'arrange pour que cela se voie. Heureux hasard, il y a toujours un micro ou une caméra à proximité pour relater l'événement et nous le resservir pratiquement sur-le-champ. Ainsi, un jour on a pu le voir lors d'une étape du Tour de France, en voiture il est vrai, aux côtés du directeur de la course. Une autre fois, on l'annonce prêt à prendre le départ pour la Libye, après y avoir délégué son épouse.
Et quand il ne se met pas lui-même en scène, il ne laisse à son Premier ministre, Fillon, ou aux membres de son gouvernement que le soin d'annoncer les mesures déjà prises ou qui vont l'être prochainement. Et l'on constate que, si Sarkozy se considère désormais comme le représentant de tous les Français, toutes les mesures adoptées sont, sans aucune exception, destinées à favoriser un peu plus encore les très fortunés.
À commencer par le bouclier fiscal, mesure existant déjà depuis le 1er janvier 2007, qui limitait les impôts à 60 % des revenus. L'équipe Sarkozy ayant jugé que cette protection pour les plus gros revenus était encore trop limitée, elle a donc fait passer ce bouclier fiscal à 50 %, diminuant ainsi leur impôt de 10 %, ce qui s'ajoutera à toutes les baisses d'impôt antérieures.
Pour justifier la suppression des droits de succession, Sarkozy s'est posé en protecteur des petites gens, qui ont mérité, a-t-il dit, de léguer à leurs enfants le fruit d'une vie de labeur. Mais il omet de rappeler que, jusqu'ici, il n'y a pas ou très peu de droits de succession pour les héritages les plus modestes. Par exemple, pour une famille avec deux enfants, il faut dépasser un héritage de 400 000 euros pour payer des droits, et encore uniquement sur la fraction qui dépasse cette somme. Sous couvert d'aider les plus modestes, cette mesure ne favorise vraiment que ceux qui en ont le moins besoin.
François Hollande, premier secrétaire du Parti Socialiste, a dénoncé les mesures décidées par la droite, mais en termes mesurés, en évitant de fâcher l'électorat auquel s'adresse Sarkozy. Il a déclaré dans une interview au Monde du 23 juillet : " La gauche, pour sa part, doit concilier les mécanismes de solidarité avec ceux de la performance personnelle. Il faut en terminer avec l'image d'une gauche qui serait simplement dans la redistribution ou dans la sanction de la réussite ". C'est, en résumé, s'excuser des illusions que pourraient se faire ceux qui prendraient le Parti Socialiste pour un parti de gauche.
Mais il ne suffit pas de déplorer, comme le fait Hollande, " qu'avec la réforme des droits de succession, la suppression de l'impôt sur la fortune, c'est plus de 6 milliards d'euros que l'État va perdre. Quand son déficit est de 40 milliards d'euros et celui de la Sécurité sociale de 13 milliards, accorder six milliards à une minorité de contribuables, c'est insensé sur le plan budgétaire, inespéré pour les bénéficiaires, et inacceptable sur le plan social ".
Constater que la politique de Sarkozy est destinée aux catégories les plus favorisées, c'est la moindre des choses. Mais que proposent donc les dirigeants du plus grand parti d'opposition, pour faire face à la droite ?
Il y a peu, avant les législatives, ils répétaient qu'il fallait élire de nombreux députés socialistes pour faire contre-poids à la toute-puissance de la droite. Les électeurs populaires les ont entendus et bien plus de députés de gauche ont alors été élus que dans la précédente Assemblée. Et qu'avons-nous vu venir ? Rien ! Sinon qu'ils nous parlent maintenant des élections municipales de 2008, occasion, dit François Hollande, de porter un " jugement sévère " sur la politique de Sarkozy.
Mais quelques municipalités de plus qui passeraient de la droite au Parti Socialiste, est-ce que cela arrêterait les attaques contre la Sécurité sociale, contre les chômeurs en fin de droits, contre les mal-logés ou les pas logés du tout ? Est-ce que cela mettrait fin au démantèlement des services publics, des hôpitaux à l'Éducation nationale ?
En résumé, François Hollande nous dit qu'il ne faut compter que sur les prochaines élections. Il ne peut rien dire d'autre car son parti non seulement accepte, mais vit du jeu électoral. Il ne proposera jamais aux travailleurs, à la population laborieuse en général, de ne pas compter sur les élections à venir et de se servir de la force qu'ils représentent dans l'économie. Le patronat, et surtout le grand, lui, se sert de toutes ses forces de sa position économique. Il menace de délocaliser ses entreprises (ce qu'il ne peut pas faire pour toutes), de supprimer des emplois si l'on touche à ses profits, et il puise impunément dans les caisses de l'État.
Et quand les travailleurs se mettent en grève, les dirigeants politiques de gauche comme de droite avancent toutes les raisons possibles pour dire que les grèves prennent les usagers en otage et, s'il s'agit d'entreprises privées, que ce sont ceux qui veulent travailler qui en sont empêchés.
Et pendant qu'on trompe les travailleurs avec les élections ou qu'on les divise, le capital prospère, avec la bénédiction de Sarkozy sur le devant de la scène et de Hollande dans les coulisses.