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Leur société
Presse : Le Monde en voie de dépeuplement
Cela n'arrive pas tous les jours : le 14 avril 2008, les salariés de la rédaction du Monde ont décidé d'une grève de 24 heures, entraînant la non-parution de l'édition du lundi soir à Paris et du mardi matin en province. En 64 ans d'existence, ce n'est arrivé que deux fois, la dernière étant en février 1976, pour protester contre la reprise de France-Soir par Robert Hersant.
À la rédaction du journal, Boulevard Auguste-Blanqui (Paris 13e), plusieurs centaines de personnes ont écouté les délégués de la SEM (Société éditrice du Monde) expliquer la teneur des discussions en cours avec la direction du journal. Des délégations de salariés du Figaro, de l'Équipe, de France- Soir, de la Tribune, du Journal Officiel, de Hachette, Bayard, de l'Imprimerie Nationale, des NMPP, etc., étaient présentes.
Le Monde, comme nombre de quotidiens d'information, souffre d'une baisse chronique de son lectorat et donc, par ricochet, de la baisse de recettes publicitaires. Néanmoins, le journal ne se porte pas trop mal si on le compare à ses concurrents.
En 2004, un plan dit " social " avait déjà fait partir 90 personnes à la rédaction et 92 à l'imprimerie. Comme d'habitude, cet effort demandé aux salariés était censé être le dernier pour redresser durablement les finances du journal. Ces départs s'étaient traduits par des mises à la préretraite, sans drames sociaux, si ce n'est la situation toujours plus difficile pour les salariés restants, qui doivent en faire toujours plus avec toujours moins de personnel.
Mais aujourd'hui, la nouvelle direction remet ça. Il s'agit de faire partir 130 personnes, soit 90 journalistes et 40 administratifs.
La direction prévoit d'ouvrir un guichet de " départ volontaire " et de recourir à des licenciements secs si le nombre des " volontaires " n'est pas suffisant, ce qui serait une première dans les métiers de la presse. Il est prévu aussi de céder, à qui en veut, des filiales jugées " déficitaires ou non stratégiques " du groupe Le Monde - Publication Vie catholique, comme Fleurus Presse (presse jeunesse), Les Cahiers du Cinéma, le mensuel Danser et le réseau de librairies La Procure.
Les solutions proposées par la direction laissent les salariés sceptiques : si le journal souffre d'une baisse de son lectorat, ce n'est pas en supprimant des journalistes qu'il intéressera davantage les lecteurs. De même, si les services administratifs sont externalisés, il faudra payer des sociétés extérieures en remplacement des salariés du Monde. Dans ce cas, où sera l'économie ?
Le remède peut donc s'avérer pire que le mal, surtout si on examine un peu les moeurs économiques du groupe Le Monde.
En 2004, un ex-dirigeant du Monde, Jean-Paul Louveau, connu pour avoir écumé de leur personnel certains journaux de province, est parti avec une prime d'adieu de 1,3 million d'euros, alors que s'opéraient les plans de suppressions d'emplois précédemment cités.
Aujourd'hui David Guiraud, après avoir assuré la vente du journal Les Échos au milliardaire Bernard Arnaud (LVMH), est vice-président et directeur général de la société éditrice du Monde SA. Il est assuré d'un parachute doré d'entre 400 000 et 800 000 euros au cas où il devrait partir.
Il faut signaler aussi que la société Holding Le Monde SA, qui compte 22 salariés de luxe (les dirigeants du groupe), avec ses 40 voitures de fonction, pèse sur les finances du groupe.
Au-delà de la baisse connue de diffusion de la presse quotidienne, les difficultés ne sont pas les mêmes pour tout le monde et les salariés auraient bien raison de demander la transparence des comptes avant d'accepter des suppressions d'emplois.
Un comité d'entreprise doit avoir lieu pour évoquer le Livre III du plan " social ". Les salariés sont mobilisés pour refuser les licenciements secs et il n'est pas impossible que d'autres grèves de non-parution du titre soient au rendez-vous.
Tous les salariés des entreprises de presse parisienne, magazine et de province sont à l'écoute du déroulement du conflit au Monde car, dans la presse comme ailleurs, les procédés des patrons sont décidément les mêmes.