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Dans le monde
Brésil : Lula et l'agro-business
Marina Silva, ministre de l'Écologie dans le gouvernement de Lula au Brésil, a donné sa démission d'un poste qu'elle occupait depuis cinq ans. Personne, dans le pays, ne s'interroge sur les raisons qui l'ont décidée à quitter un gouvernement qui se moque depuis des années de la protection de la nature. On peut plutôt s'étonner des raisons qui l'y ont fait y rester si longtemps.
Marina Silva, née dans une plantation amazonienne de caoutchouc, était une camarade du militant écologiste et syndicaliste Chico Mendes, assassiné il y a vingt ans dans l'État amazonien de l'Acre par des nervis à la solde de propriétaires terriens. Elle appartient à ce courant de la gauche brésilienne qui défend l'idée que Lula et son gouvernement balancent entre les intérêts de la population et ceux des riches, et qu'il faut peser en son sein pour qu'il adopte la bonne politique. Il lui aura donc fallu cinq ans pour faire le constat que Lula ne défend pas plus la nature qu'il ne défend les intérêts des travailleurs.
Depuis qu'il est au pouvoir, l'ex-syndicaliste Lula a en effet tourné le dos aux idéaux proclamés de la gauche et de son propre parti, le Parti des Travailleurs. L'écologie ne fait pas exception. Et, particulièrement au Brésil, cette cause est étroitement liée à la lutte des petits cultivateurs contre les grands propriétaires et ceux de l'agriculture industrielle.
Sous Lula, la réforme agraire a stagné plus encore que sous son prédécesseur de droite. Un nombre dérisoire de paysans ont reçu de l'État une terre, les budgets prévus pour les équiper ont fondu et n'ont presque pas été utilisés. Le Mouvement des sans-terre (MST), lié au PT, n'a jamais voulu le reconnaître franchement. Les grands propriétaires ayant très rapidement compris que le gouvernement était de leur côté, ils ont redoublé de violence. Jamais les expulsions de paysans et les assassinats de militants n'ont été aussi nombreux dans les campagnes brésiliennes, ni aussi impunis, même lorsqu'il s'agissait de citoyens américains, comme la missionnaire Dorothy Stang abattue en février 2005.
Le choix de Lula de tout miser sur les exportations l'a amené à soutenir sans états d'âme l'agriculture industrielle, en particulier l'élevage en grand des bovins et la culture du soja, deux secteurs où le Brésil est le premier exportateur mondial. La conséquence en a été la destruction accélérée de la forêt amazonienne, où les incendies criminels et les bulldozers ont vite fait de tailler des exploitations gigantesques. Ces brûlis sont responsables pour la majeure partie des émissions de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, dont le Brésil est le quatrième émetteur mondial.
L'autorisation de la culture des OGM n'est qu'un aspect de cette politique favorable à l'agro-business. Un autre aspect est la poursuite de l'éviction et de l'extermination des tribus indiennes, qui disposent - pour combien de temps encore ? - de vastes réserves convoitées.
L'actuelle spéculation sur les agrocarburants a été une autre occasion de favoriser les grands propriétaires. Lula est allé jusqu'à qualifier de " héros " les gros planteurs de canne à sucre qui, après avoir dans le passé, à la fin du 19e siècle, défendu jusqu'au bout l'esclavage et la traite des Noirs, sont restés le secteur le plus réactionnaire de la bourgeoisie brésilienne.
Face à cela, la présence au gouvernement de l'écologiste Marina Silva semblait signifier que la politique de Lula allait tout de même dans le bon sens et qu'on pouvait croire aux bonnes intentions proclamées. Lula a commenté sa démission en disant que " la politique de l'environnement ne changerait pas " ; manière de dire aux grands propriétaires fonciers et aux capitalistes de l'agro-business qu'ils n'ont pas d'inquiétudes à se faire.