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- Lutte ouvrière n°2088
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Dans le monde
Soljenitsyne expulsé : La liberté indésirable en URSS (extraits de l'éditorial de Lutte Ouvrière du 19 février 1974)
L'écrivain Alexandre Soljenitsyne vient d'être expulsé d'URSS. Motif officiel : il ne voulait pas se soumettre aux lois soviétiques. Il serait un nostalgique du passé, un écrivain réactionnaire qui remet en cause non seulement le régime actuel de l'Union soviétique, mais encore le socialisme lui-même. C'est sans doute vrai.
Mais, près de soixante-dix ans après la révolution, dans un pays où le socialisme, nous dit-on, s'épanouit pour le plus grand bonheur de la population, où il n'y a plus de monopoles, de puissances d'argent, où la classe ouvrière serait au pouvoir et où rien ne la menace, comment la simple critique d'un seul réactionnaire attardé constituerait-elle une si grave menace pour le régime ? Une menace telle qu'il faille à tout prix le faire taire ?
(...)
Nous ne partageons pas les idées de Soljenitsyne car nous sommes des militants du socialisme, mais nous soutenons son combat pour la liberté. Cette liberté, il la met au service d'une mauvaise cause. Mais la liberté en Union soviétique, cela serait avant tout la liberté pour les travailleurs de s'exprimer, de s'organiser, d'exercer tous les droits que la révolution leur a donnés et que les parasites du pouvoir leur ont confisqués.
Il n'y a pas de socialisme sans liberté. D'autres que nous le disent, il est vrai, avec hypocrisie. Mais la liberté dont nous parlons, la liberté pour les travailleurs, les producteurs, les opprimés du monde entier, ce n'est pas celle des Mitterrand et Guy Mollet. Ce n'est pas la liberté respectueuse du capitalisme, car le capitalisme, lui, ne respecte pas la liberté, il le montre tous les jours. C'est la liberté pour tous les producteurs de vivre dans une société débarrassée des injustices, des inégalités, et de toute la terreur attachée à l'exploitation de l'homme par l'homme, cette violation fondamentale de la liberté.
Et dans cette société-là, il n'y aura pas de nostalgiques du passé. Et s'il en existe un, elle n'aura rien à redouter en lui laissant la liberté de s'exprimer.