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- Lutte ouvrière n°2114
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Editorial
Après le succès du 29 janvier, il faut continuer et renforcer la mobilisation
Deux millions et demi de manifestants dans la rue selon les syndicats, plus d'un million même d'après la police : la journée du 29 janvier a été un succès. Ceux qui se sont mis en grève sont revenus des manifestations avec le moral remonté.
Le gouvernement lui-même a concédé, par la voix du nouveau ministre du Travail, Brice Hortefeux, qu'« à l'évidence, il y a eu du monde » et que cela est « l'expression d'une inquiétude » face à la crise.
Mais ce n'est pas seulement de l'inquiétude, c'est du mécontentement et de la colère. Et pas face à la crise, mais contre le patronat et le gouvernement. Contre les licenciements qui se multiplient ; contre les bas salaires ; contre la précarité ; contre ce gouvernement qui trouve des milliards pour arroser banquiers et patrons de l'industrie mais qui aggrave la situation des salariés.
Les travailleurs ont été nombreux à répondre à l'appel des syndicats. Personne ne peut penser cependant qu'une seule journée, même réussie, fera reculer le gouvernement et le grand patronat.
La question qui se pose, c'est la suite à donner à cette journée. Les directions syndicales sont mises devant leurs responsabilités. Elles auraient dû annoncer immédiatement une suite, une nouvelle journée de grèves et de manifestations.
Or les dirigeants syndicaux se sont réunis pour définir une attitude commune, mais ils ont surtout décidé d'attendre, conditionnant une éventuelle suite de l'action à la réponse de Sarkozy.
Mais cette réponse, le gouvernement l'a déjà donnée par la bouche du Premier ministre, qui a annoncé qu'il n'est pas question d'arrêter ce qu'il appelle les « réformes », c'est-à-dire les mesures antiouvrières qui se succèdent en rafales.
Alors, à quoi les dirigeants syndicaux s'attendent-ils, qui pourrait représenter un espoir pour les travailleurs ? La déclaration de Sarkozy à la télévision au milieu de la semaine ? Mais il n'est pas difficile de prévoir qu'il se contentera de brasser du vent. Sa promesse de rencontrer les dirigeants syndicaux ? Mais la date n'en est même pas encore fixée ! Et qu'est-ce qu'il peut en sortir, à part des stupidités du genre « travailler plus pour gagner plus » ?
Mais ce gouvernement et ce président ne sont pas là pour aider les salariés à sortir la tête de l'eau. Ils sont là pour les enfoncer. Ils sont là pour présenter avec des mots creux ou mensongers la politique exigée par le grand patronat, qui est de sauver le profit des entreprises, les revenus de la bourgeoisie, malgré la crise, en dépouillant encore plus les salariés.
Conditionner la suite indispensable à ce que peuvent dire ou promettre Sarkozy et ses ministres, c'est trahir les intérêts des travailleurs. Le patronat et le gouvernement peuvent s'accommoder d'une seule journée de grèves et de manifestations. Seule une mobilisation croissante peut leur faire craindre que cette mobilisation débouche sur la grève générale jusqu'à la satisfaction des revendications.
Les travailleurs de Guadeloupe viennent de faire la démonstration que, même pour se faire entendre, il leur a fallu bloquer la vie économique de l'île. Et c'est parce qu'ils ont le courage de continuer après deux semaines que le secrétaire d'État à l'Outre-mer s'est senti obligé de se rendre sur place et que les médias parlent de leurs revendications.
Leur détermination mérite le respect de tous les travailleurs. Mais, à quelques dizaines de milliers, il leur est évidemment plus difficile qu'à l'ensemble du monde du travail, à l'échelle du pays, d'imposer leurs revendications.
Les directions syndicales prétextent qu'il faut du temps pour « construire un mouvement » comme celui du 29 janvier ! Mais c'est une raison de plus pour que, quelle que soit la date choisie pour la prochaine échéance, elle soit annoncée, afin que les militants et les travailleurs les plus décidés puissent la préparer.
Ce serait aux directions syndicales de fixer ces échéances. Qu'elles prennent garde : si, obnubilées par les seules négociations, elles ne font pas leur travail, elles ne fixent pas un programme de mobilisation avec des échéances, les luttes éclateront et se généraliseront sans elles, de la base.
Nous défendre contre nos exploiteurs et leurs domestiques au gouvernement devient indispensable, vital. Nous en avons la force.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 2 février